La Guerre des Monstres

Qui sème le vent récolte la tempête

 Précisons les sentiments : Plus que l'indignation, ce fut la colère ; plus que l'horreur, la peur universelle de tous les innocents du monde entier potentiellement menacés.

Comprendre ! Que révèle la plus effroyable opération « kamikaze » jamais réalisée ? Immédiatement, le Président Busch le Petit nous l'a expliqué : C'est la guerre du Mal contre le Bien ! Et comment se nomme le Mal ? Le Terrorisme !

Une Troisième Guerre mondiale commencerait avec le nouveau siècle contre un ennemi invisible qui est partout et nulle part : un Fantômas nommé Ben Laden, un milliardaire dont l'armée est dispersée dans le monde entier. (Méfiez-vous de votre voisin de palier !) Pourtant, rassurez-vous, le Bien est aussi à vos côtés.

Certes, la Super Puissance a été honteusement défiée, mais elle reste la Super Puissance. Son OTAN encadre ses alliés. (Certains grognent un peu, mais ils sont requis de marcher droit !) Ses féaux, ses fournisseurs et clients sont souvent douteux, mais ils sont prévenus de se tenir à carreau ! La Russie est dans le même bateau avec sa Tchetchénie à feu et à sang (Vous avez vu la tête de Poutine, le soir du 11 septembre ?)

Bon ! Mais le Mal ? Il était tentant de le localiser dans ces « Etats voyous » qui défient l'Ordre mondial : la Libye, l'Irak, la Palestine... (Sharon s'est précipité : « Mon Ben Laden à moi, il s'appelle Arafat ! » - La bonne âme !) Mais c'est difficile à faire avaler. Et puis, ça laisserait le véritable ennemi en place. Car  c'est une vieille connaissance du Bien que l'incarnation du Mal : ce pur Saoudien de Ben Laden, protégé-protecteur des Talibans que l'on a créés, via le Pakistan, cet Etat mercenaire oriental du Bien, équipé par lui de la bombe nucléaire...(ce qu'il  a su rappeler  opportunément !)

C'est en sa monstrueuse créature qu'en face de lui le Bien trouve le Mal !
Il y avait du vrai dans la confusion du porte-parole de la LCR entre le Dr Frankenstein et son monstre. Le Dr Frankenstein est aussi un monstre, surtout quand il prend la stature des USA pour créer ses clônes-robots géants. Quand c'était l'URSS qui était l'empire du Mal, ce n'est pas la résistance populaire afghane, et en particulier le Jamiat de Massoud et Ali Khan, que les USA... et l'Arabie Saoudite ont aidé, mais les forces intégristes pro-pakistanaises. Et, hier encore, pour tenter d'amadouer ces Talibans, on fermait les frontières du Panshir pour désarmer Massoud. Ben Laden n'avait plus qu'à s'en débarrasser par un « attentat ciblé » (comme dit Sharon, qui pratique la chose sans kamikaze).

Et voilà que la  Créature s'élève, géante, en face et contre ses Créateurs. Comme ils se ressemblent, dans le miroir de l'histoire ! Opposant Dieu à Dieu et inhumanité à inhumanité. Car quand un Busch arrive à se tirer quelques larmes de crocodile sur les civils innocents massacrés dans les sanctuaires du Capital et de sa Gendarmerie mondiale, personne ne peut avoir le mauvais goût de penser les cinquante fois plus nombreuses victimes innocentes de Hiroshima et Nagasaki, les trente-cinq mille civils innocents de Dresde brûlés par les bombes au phosphore, et encore moins les enfants innocents qui, par dizaines de milliers, meurent de faim et faute de médicaments en Irak, pour punir Saddam Hussein ; ceux d'Afrique qui crèvent du sida pour les profits des multinationales américaines de la pharmacie... On en passe.

La mort des sacrifiés de New York et de Washington, par leur nombre, réveille enfin tant de ventres qui, tous les soirs, digèrent paisiblement au vu des sacrifiés par les forces du Bien, soit par petits paquets, comme les Palestiniens, ou bien dans une évocation plus rare, comme les Tchetchènes (voire même les massacrés par les forces du Mal, comme la dizaine quotidienne d'Algériens très musulmans). Puisse cette « peur au ventre » donner à réfléchir !

Les valeurs qui traînent sur les écrans et dans les journaux sont des leurres. La guerre qu'ils annoncent - et préparent psychologiquement -, n'est pas, du côté des USA et de ses féaux, celle de la liberté, mais celle de la domination mondiale absolue du Capital. Pas plus qu'elle n'est, du côté des Fous de Dieu, celle des exploités et opprimés du Tiers Monde, ni surtout celle des musulmans, un peu partout humiliés, piétinés, massacrés, mais celle d'un retour du refoulé, à la barbarie féodale et esclavagiste, combinée maintenant avec les forces du même Capital (telle que l'Arabie Saoudite en donne le modèle). Son terrorisme n'est pas celui - classique pourrait-on dire - de la rage d'impuissance des faibles, mais celle de la férocité la plus barbare d'hier armée des moyens de celle d'aujourd'hui.

Car c'est bien là l'inattendu ! L'enjeu d'avenir ne se pose pas là en termes de « socialisme ou barbarie », mais en l'alternative « Quelle sera la barbarie de demain » ? La guerre annoncée n'est pas une guerre internationale de classes, mais une guerre entre formes politiques du capitalisme pourrissant. La preuve en est en est que les milliards de Ben Laden ne sont pas - ne peuvent pas être - des objectifs de guerre pour le camp du Bien. Car derrière Ben Laden, il y a les banques qui détiennent ses milliards et les font fructifier, et derrière elles des Etats, au premier rang desquels, l'Arabie Saoudite.

Leur guerre ne saurait donc en rien être la nôtre.

Non ! Nous ne sommes pas « tous des Américains » ! « Nous sommes  tous des Victimes civiles innocentes potentielles » du conflit des Monstres. Le 11 septembre  a accordé aux Fous de Dieu la prime de férocité. Mais ce n'était qu'un round. Quelles décisions va prendre la Super Puissance, dont la tête est un analphabète politique, matamore péteux, dont le plus grand exploit est de s'être fait élire étant deux fois minoritaires - en votants et en voix - et en truquant un scrutin. Ses alliés, piégés dans son OTAN comme de quasi mercenaires, se mettent à trembler. D'autant qu'à l'inverse de ce qui s'est passé pour les guerres du Golfe et du Kosovo, le bourrage de crânes a du mal à marcher. Cette tremblote sera-t-elle bonne conseillère ?

Le pire n'est pas encore sûr !

Paris le 16 septembre 2001