La Guerre des Monstres VI
L'étrange victoire d'Afghanistan 

Le quotidien Le Monde est à la presse ce que le pâté de cheval et d'alouette est à la gastronomie : une alouette de gauche et un cheval de droite. Mais il a dégoté un collaborateur formidable : Jan Krauze, il s'appelle ! Y krauze, y krauze et c'est un sacré perroquet ! Toute la voix de son maître, il répète ! Ecoutez-le krauser : « Les Etats-Unis ont gagné, d'éclatante manière, leur guerre d'Afghanistan. Après l'Irak et le Kosovo, ce troisième succès marque un nouveau progrès dans la mise en œuvre de leur impressionnante supériorité technologique. » 

            Certes, certes ! Mais, on nous avait dit que, le but de la guerre, c'était la capture, mort ou vif, de Ben Laden, et la destruction de son Al Kaïda. Or, il semble bien que le marteau-pilon a encore une fois manqué la mouche (comme il avait manqué le renversement de Saddam Hussein et celui de Milosevic), vu que le Ben Laden et ses meilleurs fidèles sont allés reprendre des forces dans un de leurs douillets pays d'accueil : le Pakistan, vers sa chère patrie l'Arabie Saoudite semble-t-il.

            Oui, mais voyez-vous, qu'ils disent, les Krauze et C°, les US, ils ont renversé le régime des talibans, na!

A y regarder de près, ces talibans, avec lesquels les USA s'entendaient si bien avant le 11 septembre, il apparaît plutôt que ce sont les moudjahidines de l'Alliance du Nord qui n'en ont fait qu'une bouchée, à partir du moment où ils ont reçu des armes (surtout de Russie, semble-t-il, et si tard !).  Parce que, quant aux merveilleux rambos, on n'en a pas vu la queue d'un sur le champ de bataille, et pas davantage les formidables guerriers furtifs du Blair.

            Et alors, les krauzes en série, de dire : Rien tout de même ne serait arrivé sans la merveilleuse guerre scientifique, menée du ciel. 

Certes ! Certes !  A vrai dire, en Afghanistan (comme ce fut le cas au Kosovo et en Irak), on doit estimer qu'une bonne moitié des bombes sont tombées à côté de leur cible.  Et il ne faut pas compter sur le Pentagone pour nous dire combien de milliers de civils ont mesuré dessous leur précision, pendant que les talibans se planquaient soigneusement. Elles ont même réussi, les bombes des B 52, à tuer trois des quatre Yankees égarés sur le sol.  On ne peut guère leur reprocher de ne pas en avoir tué plus, étant donné que les magnifiques marines se tenaient en arrière des lignes de front, laissant les bougnouls aller au casse-pipes. 

On le comprend, d'ailleurs, le Pentagone ! Si vous avez vu l'émission d'Arte consacrée à cette superbe fabrique de robots-tueurs, le crâne de chacun vidé et un drapeau mis à la place en guise d'idéologie, plus un équipement hyper-sophistiqué : au prix que ça doit coûter, pas question de les gaspiller. D'autant qu'ils ont tout de même des papas et des mamans, des parents et des voisins, ces terribles marines, et que ça vote ce monde-là. (On sait ce que la guerre du Vietnam a fait comme dégâts électoraux collatéraux aux Etats-Unis.)  Mieux vaut les garder pour le cinéma, les invincibles. Comme ils ont fait, finalement, en arrivant pour aider la victoire acquise des barbus (les bons).

Enfin, les bons ! Faut pas exagérer ?  Ils font une guerre de sauvages, ces mecs-là.  D'abord, ils discutent avec leurs ennemis, comme les héros d'Homère, puis ils se massacrent n'importe comment, avec colère, pour se venger même, jusqu'au corps à corps, et puis, brusquement, sans qu'on sache pourquoi, ils rediscutent avec eux, font même alliance ou les renvoient dans leur village, sous prétexte qu'ils sont Afghans, eux aussi, sans considération de politique internationale sérieuse. Même qu'à Kunduz, ils ont entassé des prisonniers talibans avec leurs armes. 

Et là, ça a été une affaire terrible ! Parce que ces prisonniers, ils ont tué un personnage important : un membre de la CIA.  Ça ! ça ne peut pas se pardonner. Là, la cible était bien cernée. L'aviation a pu les écraser tous, les prisonniers.  Plusieurs centaines de morts !  Entre deux et quatre cents, on ne sait pas.  Toucher à un membre de la CIA, tout de même !  Enfin, on a mis le massacre (crime de guerre, si ça avait été des Serbes ou des Hutus qui l'avaient fait) sur le compte des moudjahidines de Dostom.  Facile ! le gars a du répondant pour les massacres, ce préféré de nos Yankees. Et dans l'affaire, ils s'étaient entendus comme cochons.

D'ailleurs,  maintenant, on n'en n'a plus besoin, de cette piétaille, puisque la guerre est gagnée.  Il va falloir les désarmer (comme l'UCK, hier), et trouver le moyen d'imposer en Afghanistan un bon gouvernement à la botte.

 De ce point de vue, la conférence de Bonn n'était qu'à demi- satisfaisante.  L'Alliance du Nord n'est pas l'UCK.  Après avoir mené la guerre sept ans, et saisi la bonne occasion pour liquider le régime talibans, ces gens de l'Alliance n'ont pas l'air d'être prêts à se laisser facilement rouler dans la farine.  Déjà qu'ils ont fait le coup de s'installer à Kaboul, en faisant la nique aux Yankees, voilà qu'ils acceptent un président fantoche (made in CIA/pétrole), mais gardent tous les postes clefs, et qu'ils n'acceptent la force d'occupation onusienne qu'en nombre limité, et pour des fonctions aussi bien limitées et contrôlées par eux.
La machine à bourrer le crâne doit, là, fonctionner à plein : 

• Le désordre, les exactions, pillages, etc .  Il faut des civilisés pour faire la police.  La police ça, c'est notre spécialité.

• Tous des chefs de guerre, ils sont ! Alliance comprise !  Et ils vont donc recommencer à se rentrer dedans, si les civilisés ne sont pas là en force, entre eux c'est reparti comme en 92-96.

• En plus, cette Alliance, c'est celle des ethnies minoritaires.  Donc, la démocratie exige que le gouvernement soit à la majorité pashtoune.   Là, évidemment, il y a un os, vu que les Pashtouns, en dehors des chefs de guerre, précisément, des trafiquants (souvent aussi chefs de guerre), des exilés (souvent aussi trafiquants), on ne trouve guère que quelques agents de la CIA un peu trop voyant !  Il faudra pourtant faire avec !

• Enfin, il y a la gourka !  Vous savez le voile absolu des femmes.  C'est fou comme nous, Occidentaux, on est féministe quand il ne s'agit pas de la prostitution dans nos villes !  Il faut essayer de faire croire que la gourka a été inventée par les talibans, et cacher que l'intégrisme taliban n'avait consisté qu'à l'imposer à toutes les femmes, en particulier à celles de Kaboul qui étaient les plus avancées du pays, et travaillaient, soignaient, enseignaient  En plein coeur de notre Europe, en Yougoslavie, il avait fallu le régime de Tito, et une campagne populaire savamment organisée pour arriver à faire voter la suppression d'un voile aussi absolu, en Bosnie, en 1950 !   Mais, en Afghanistan, pas question d'attendre que la libération des femmes soit l'oeuvre des femmes afghanes . elles-mêmes, dans le cours d'une stabilisation politique. Non ! Il faut supprimer la gourka, qu'elles portent depuis des siècles, tout de suite, autoritairement !  Sinon, il faudra que les civilisés interviennent, et prioritairement.  Et pas question de commencer, pour donner l'exemple, de la faire supprimer dans les pays du Bien, comme le Pakistan, et, bien sûr en Arabie Saoudite. On ne va pas se fâcher avec des pays  qui sont dans le camp du Bien, pour des questions aussi accessoires  en ce qui les concerne.  Que des journaux et organisations de gauche se laissent embringuer dans ce coup fourré, mesure à quel degré de jobardisme et de myopie ils peuvent tomber. 

A vrai dire, ils ont plus d'un tour dans leur sac, les Yankees.  Et ils savent qu'à quelque chose malheur est bon.  Ils l'avaient d'ailleurs annoncé, que ça n'était qu'un début, continuons le combat !  On a bien remporté une merveilleuse victoire comme ils soufflent au Krauzes , puisque cette fuite de Ben Laden va nous permettre de poursuivre, et sans que ces minables d'Européens puissent rien dire, puisque c'est la traque d'Al Kaïda qui continue.

Mais, il y a une chose qui échappe à tous les Krauze myopes du monde.   C'est que Ben Laden et les morts du World Trade Center, c'est pour la galerie.   La Guerre des Monstres, c'est la guerre de la maîtrise mondiale du pétrole.  Les Bush and Pentagone, ils ont commis une petite erreur en montrant des bouts des cassettes de Ben Laden.  Elles montrent beaucoup plus que ce qu'ils voulaient qu'on voie.  Certes Ben Laden rigolait en voyant ses imbéciles de fanatiques précipiter les avions US sur les tours du WTC.  Lui, sa foi réelle, c'est le pétrole et le fric qui va avec.  Et il n'est même pas le patron, seulement le chef militaire. L'autre bout de cassette qui le montre debout, baisant la main d'un Saoudien assis (on a essayé de nous faire croire que c'était parce qu'il était infirme !), révèle le pot aux roses.  Le conflit, il est entre les USA et l'Arabie Saoudite.  Tout le reste est poudre aux yeux !

Mais alors, pourquoi s'en prendre à des comparses, et bientôt à l'Iraq qui n'est pour rien dans Al Kaïda ?  Selon une double logique. D'abord, celle qui consiste à frapper sur le sac pour faire réfléchir le baudet.  Ca, c'est pour l'Afghanistan.  Ensuite régler d'un coup le contrôle du pétrole : celui de l'ex-URSS, qui doit couler par l'Afghanistan, celui de l'Iraq, puis celui de la Libye, voire au-delà. 

 Sans compter que, par la mondialisation du conflit, Bush a mis le monde entier sous son joug : « Qui n'est pas avec nous est contre nous ! »  Et tous de s'incliner.  Et le Bush de traiter les gouvernements européens, comme des laquais, ce qu'ils acceptent d'être très volontairement d'ailleurs !  « SVP, prenez notre petit contingent pour boucher les trous des aérodromes, pour faire la police municipale, pour protéger les sacs de riz  Ah ! Merci !  M. Bush Junior !   Et regardez le beau petit navire porte-avions qu'on a, et qu'est capable même de naviguer ! »   Et derrière le dos du patron, de nous souffler dans le tuyau de l'oreille qu'ils ont leur petite différence, tout comme l'imbécile heureux de BHL.

Pour l'Irak, ils avaient juré : tout, mais pas ça !  Mais ils ont voté comme un seul homme l'ultimatum, le piège.  Et le bon Nègre qu'ils ont mis à l'ONU, il a été très ferme : « Je n'ai vu aucune preuve bla bla bla   toute action militaire contre l'Irak  en ce moment ne ferait qu'exacerber le terrorisme, bla bla bla   mais je ne vois aucun signe non plus que Bagdad soit prêt à coopérer bla bla bla les Irakiens savent très bien que le Conseil de Sécurité l'exige bla bla bla  » Tu l'as dit bouffi ! Et celui qui lui tient la main conclut : « A ce moment-là, s'il refuse, une opération militaire américaine serait en quelque sorte justifiée. »  Les B52 peuvent se préparer.  Après tout, les enfants irakiens qui seront écrasés par leurs bombes mourront plus vite que de faim et de manque de médicaments comme maintenant, ils auront au moins gagné ça !  Chirac et Jospin seront désolés qu'on ait été obligés d'en arriver là : les braves gens !
 

Une guerre vraiment gagnée : 
la Palestine

Bush n'a eu qu'une demi-victoire. Il doit, le pauvre continuer sa guerre.  Mais Sharon, lui, c'est le grand vainqueur du moment.  Bush avait été forcé de lui faire un peu les gros yeux. Fallait bien calmer un peu les pays arabes.  Il a même été fort : « Il y aura un Etat palestinien ! Vlan ! A Pâques ou à la Trinité !  Formidable ! Hein, vous avez vu ça ! »,  ont crié nos illustres gogos.  « Bien sûr ! Facile !  Mais il faut qu'Arafat arrête le terrorisme ! »

Sharon se marrait.  Il savait bien que, même con comme il est, le Bush, il avait tout de même compris le système.  Sharon, ce n'est pas un terroriste lui.  C'est un homme qui terrorise les terroristes, du genre : pour une dent, toute la gueule !  Et quand ça lui manque les terroristes à terroriser, il les fait naître.  Et ça n'est pas difficile avec un peuple désespéré, affamé, sans travail, et qui a à enterrer un ou deux gamins tous les jours !  Mais son coup de génie, ce sont les ultimatums à Arafat : « Il faut que ta police arrête les terroristes, et pour t'aider, tiens ! je t'en tue un petit paquet et je leur fracasse leurs postes. »  Ca ! personne n'y avait pensé avant lui.  L'escalade a été magnifique.  Et la mise en scène, donc ?  Tous les soirs, à la télé, un Israélien pleurnichard différent : « il faut que le terrorisme s'arrête ! »

La couleuvre était si grosse que nos Européens, tout de même, ils avaient du mal à l'avaler.  Mais il ne faut pas désespérer de nos politiciens, toutes tendances confondues : « Arafat est au pied du mur, il doit arrêter le terrorisme ! »  Fermes qu'ils sont, nos mecs ! (A propos, quand arrêtez-vous les assassins du préfet Erignac ?  Vous avez peur que cela coupe la France en deux et que vous soyez renversés ?)  Mais, attention !  Arafat, ils le reconnaissent toujours pour le représentant de la Palestine !  Ah mais !

Sharon se marre !  Quels peignes-cul ces Européens !  Il bénit en son coeur le Ben Laden.  Sans le World Trade Center,  il n'aurait pas pu si vite et si tranquillement en finir avec la Palestine.

Vous dites, que ce n'est pas fini ?  Certes !  Certes ! L'histoire n'est jamais finie, quoi qu'en pense Bush qui se rêve déjà fondateur de l'empire millénaire que Hitler a raté.  Mais pour l'instant, c'est mal barré. La course contre la montre va être difficile.  Il va falloir sacrément réunir toutes les forces disponibles contre les Monstres.
 

Dernière heure :

Anthrax ?

 Je demande à Krauze, où on en est avec ce front :

Qu'est-ce que c'est que ce truc ? De quoi parlez-vous ? Anthrax ? Connais pas ! 

• Mais Monsieur, n'était-ce pas un second sale coup fumant de ce salaud de Ben Laden, via son Al Kaïda ?

• Ah ! Mais non, ça me revient : un savant fou seulement !

• Il serait pas un peu de la CIA, ce savant ? Et peut-être pas si fou que ça ? Et si c'était un truc pour relancer un peu l'émotion patriotique, histoire de ne pas laisser refroidir le coup du 11 septembre ?

• Qu'est-ce que vous allez chercher là ? Notre CIA, faire ça ! C'est du pur anti-américanisme !
 

Argentine 

Un pays s'effondre. C'était le meilleur élève du FMI.  Mais le FMI n'est pour rien dans l'effondrement. Croyez pas !  Ils n'avaient qu'à payer leurs impôts les Argentins !  Mais, le FMI les avaient mis au chômage après de belles privatisations !  Le populo doit subit la rigueur dans l'attente du bonheur futur (à Pâques, à la Trinité, ou au Paradis).

Le gouvernement argentin appelle le FMI au secours : Un peu de blé s'il vous plaît. Le FMI demande au patron Bush.  Bush répond : « Merde !  J'ai besoin de tout le blé pour mes B 52 et leurs bombes à jeter sur l'Iraq, la Libye, etc Sans compter mon bouclier anti-missiles ! S'il fallait en plus donner à manger à des Argentins, même pas capable d'avoir gardé un bon dictateur que leur avait fourni le Plan Condor de ma CIA ! Et même de réclamer maintenant qu'on juge et punisse  les bons généraux et amiraux tortionnaires ! Qu'ils crèvent, les Argentins ! » A suivre !

Michel Lequenne (22 décembre 2001)

(Amis, camarades lecteurs : Faites connaître mon site et celui d'Ubu2.  Ecrivez moi, même pour me dire vos désaccords éventuels ou des précisions que je me dépêcherai de vous fournir.)