Une élection, piège à cons

J'arrive ! Excusez mon retard. Il me fallait écouter les autres. Hélas ! Quel désarroi ! Quels pleurs (souvent en larmes de crocodile), et quels cris de désespoir ! Que de bêtises (pour parler en termes polis) et que de tartufferies !

Avez-vous remarqué une chose, pourtant énorme, mais invisible ? Personne, ni le soir du 21 avril, ni, me semble-t-il depuis, n'a fait le constat que le résultat de ce premier tour, mettant en deuxième position, le sinistre tortionnaire Le Pen, était le produit logique du système de la Ve République, du présidentialisme inventé par le Bonaparte De Gaulle, lors de son coup d'Etat (légal !) de 1958 ; taillé sur sa mesure et pour la pérennité de son pouvoir, sans trop de souci de qui lui succéderait. Lui, du moins, avait la taille, capable, par exemple, qu'il était de dire "Merde" aux USA. Ses deux premiers successeurs furent des Bonaparte d'opérette même pas des Napoléon III , l'ex-banquier copain de Delon, et le faux noble copain de Bokassa Puis vint Mitterrand. Celui-là, qui aurait dû en finir avec ce présidentialisme, dénoncé par toute la gauche avant, s'en servit au mieux de sa face de Janus, dont le fameux "inventaire" ne fut jamais fait par ses héritiers cocus. Et voilà l'autre ! Comme dit Bernard Langlois (dans Politis, n°698 - publicité gratuite) : "l'arnaqueur des finances publiques , le détourneur des offices et des lycées ; monsieur dix pour cent des travaux publics ; l'organisateur et bénéficiaire des électeurs fantômes, le bâfreur de l'Hôtel de Ville, le magouilleur de Corrèze, le grand voyageur qui paie en liquide ; le grand copain des rois nègres qui saignent leurs peuples à blanc " Là, c'était ce qu'on pouvait faire de plus bas de gamme comme petit Napoléon III. Il plait tout de même à 19% des Français qui ont voté. Avec les 2% env. du pur libéralisme de Madelin (les autre % iront à son vieil ami Le Pen), et autant de la Madame "Ecologie Maison" (pollution modérée pour petits jardins et parcs de châteaux), il doit dépasser un peu les 2O% du couple retrouvé Le Pen/Maigret.

Et il faut choisir ? C'est le système qui veut ça. Bernard Langlois, lui s'abstiendra (position pourtant condamnée par son hebdo, au compte des gauchistes). Il pourrait aller jusqu'au vote nul, qui est beaucoup mieux. Je lui suggère une formule : "Ni le voleur, ni l'assassin !" ou, comme l'ont crié des étudiants "Plutôt ce qui pue que ce qui tue". Je ne reprocherai à personne des voter ainsi. Ce fut mon intention première. Mais je pense, après consultation, que ce serait encore être couillonné par le système, et laisser croire que la victoire du Chirac serait celle de gens qui pensent : "Au moins, il est républicain !"

Non ! Pour que la victoire de Chirac, contienne sa défaite future, il faut que son score double, ou plus, celui de ses 30% de suffrages de droite. Il faut dire d'avance, et marteler encore plus quand il se vantera d'avoir été "le Président qui aura été élu avec le plus de voix de toute l'histoire de cette Ve bonapartiste" : Nous votons (et avons voté) pour 

CHIrac, CHasse-d'eau des CHIottes

Un point, c'est tout ! Et en avant pour une VI° République, réellement démocratique.

En attendant, examinons tout de même les raisons de l'échec pitoyable du PS et de sa gauche plurielle, et en même temps la montée de la peste brune.

Une défaite programmée

Ils étaient sûrs de leur victoire les socialos ! leur bilan ? Pharamineux ! leur bilan :

·          Un million de chômeurs en moins ! Oui ! transformés en précaires, en emplois jeunes (en partie payés par l'Etat aux entreprises, qui les virent au bout de trois mois pour recommencer avec d'autres ; et jusque dans des entreprises publiques qui, ainsi, n'ont plus besoin d'embaucher pour remplacer les retraités). Vive la réduction des dépenses publique exigées par Maastricht. Et n'oublions pas le PARE du MEDEF, cette obligation de faire n'importe quoi à n'importe quel salaire sous peine d'être radié de l'ANPE. 

·          Les 35 heures ! Formidable ! C'était notre revendication, tout en préférant les 32 heures ! Oui ! Mais sabotées selon les directives du MEDEF par la flexibilité, l'annualisation, le bas coût des heures supplémentaires, et se soldant par des réductions de salaires. On ne pouvait mieux les retourner en leur contraire, l'idéal des patrons !  

·          Et puis ? Oui, et puis quoi ? Quoi pour assez d'infirmières, ces héroïnes quotidiennes du prolétariat, et qu'elles soient assez bien payées ? Quoi pour assez d'enseignants aux prises avec les problèmes des dénivellements d'origine des enfants ? Quoi pour des éducateurs à la place des flics pour régler le sort de la jeunesse déshéritée des banlieues ? 

·          Mais en revanche, beau bilan de privatisation de nos biens publics rentables ; beau bilan du maintien du nucléaire et de l'accumulation de ses déchets pour des siècles ; de l'absence de lutte contre les pollueurs ; beau bilan de refus de la taxe Tobin, d'exigence de destruction des paradis fiscaux, de lutte contre l'argent sale ; contre le grand crime organisé, en particulier des truands de l'esclavage de la prostitution (mais il est vrai, en revanche, grandes victoires contre les voleurs de téléphones portables, et insulteurs d'agents) ; beau bilan de la question Corse, traitée avec les mafiosis au lieu d'organiser un référendum de maintien ou non dans la République française ; beau bilan de politique étrangère, du maintien comme supplétifs des US dans l'OTAN, de dos courbé devant l'impérialisme américain, de lâcheté devant le criminel de guerre Sharon On en passe !
Sauf, et surtout : l'INSÉCURITÉ ! Là, on a été, on est et on sera les meilleurs !

                Un si beau bilan; qu'on allait être élu comme une lettre à la poste. Même pas besoin d'accorder un pouce aux alliés de la Gauche plurielle :par exemple aux Verts l'abandon du nucléaire ; un peu de gauche au PCF. Satisfait d'eux qu'ils étaient, les socialos.
Ce beau bilan là, Strauss-Kahn (l'homme qui a eu un non-lieu, parce que c'est juste d'être payés des millions sur le dos des étudiants pour des rapports, il est vrai écrits sans les fautes d'orthographe de Xavière Tibéri), il a expliqué le 21au soir qu'ils l'avaient mal expliqué, et que c'est pour ça que le populo n'avait pas voté pour eux. Voyez comme il est con le populo ! Il se fâche pour un rien, d'être licencié, ou sans logement, ou mal payé, ou sans travail, ou s'il est un peu trop coloré contrôlé à chaque coin de rue, insulté, palpé, et s'il regimbe ne coupant pas à violence à "agents".

Et voilà qu'il y en a des millions de ces minables, qui refusent d'aller voter, ou, pire, désespérés, enragés, vont voter Le Pen (comme les chômeurs d'Allemagne votaient Hitler en 1933), et qui s'ajoutent à la masse convertie par les bons médias que le vrai meilleur, contre l'INSÉCURITÉ, c'est évidemment LE PEN. Et ça les étonne les socialos. A l'ENA, on apprend l'économie, le droit international, des tas de choses, mais pas l'histoire de la social-démocratie et du fascisme.

Et puis, il y a en plus la faute de ceux qui n'ont pas marché au chantage : "Si vous ne votez pas pour nous, vous faites passer la droite !"

On voudrait bien leur faire porter le chapeau, aux trotskystes. Mais, c'est un peu difficile, vu, d'une part, que si les alliés ne s'étaient dissociés, la gauche passait devant Le Pen, voire Chirac (Mme Taubira, elle seule, a eu le courage de reconnaître que si elle avait su si on l'avait prévenue qu'il y avait péril ); et que, d'autre part, ces gauchistes, ils vous avaient prévenu, eux, et plutôt deux fois qu'une : "Si vous ne faites pas un virage à gauche, vous l'aurez dans le baba, et n'aurez qu'à vous en prendre à vous." Mais, vous n'en aviez rien à faire de ces ringards à la 1 ou 2 %, qui ne comprennent pas que, ce qu'il faut, c'est être au plus près du Centre, c'est-à-dire, un peu à droite, pour gagner tout le monde. Et en plus du chantage contre ces gauchistes, on avait contre eux l'aide d'une bonne petite campagne médiatique "anti-trotskyste". Même le bon Canard enchaîné, même l'anarcho Charlie hebdo s'y étaient mis : "Trotsky-Kronstadt", Arlette "dictature du prolétariat", et la Ligue du pareil au même, malgré les apparences, et quant au fond. Mais ça n'a pas marché. Arlette et Besancenot, à eux deux, ont fait quasi 10%, les voix des travailleurs les plus politisés ! (Ohé Cabu ! pas les coiffeurs pour dames du XVIe). 

                Nous ne saurions nous séparer ici sans parler, justement, de ces trotskystes et de ce pauvre PCF. Ce dernier croyait pouvoir être quitte du stalinisme en ayant renié le passé (qu'ils avaient d'ailleurs parfaitement ignoré en son temps, et dans lequel ils n'avaient été pour rien). Mais comment vivre sans. Il leur apparut très vite que la place du communisme étant occupée par le trotskysme, la seule position disponible était celle du vieux réformisme à propositions de petites réformes, abandonnée par le PS. Place étroite : dans l'opposition de gauche comme au gouvernement, on est dans la contradiction permanente. Un exemple : le ministre Gaissot, nommé pour défendre les cheminots et remplacer la peste des camions par le ferroutage, restera dans l'histoire comme l'homme qui a permis aux gros camions de reprendre le tunnel du mont Blanc, contre toute une population et la sécurité, et bravo la pollution (mais les camionneurs, ça vote, et leurs patrons Le Pen, comme au Chili Pinochet ?) L'Humanité , financée par le grand capital et les cadeaux du ministère, sombre faute de lecteurs. Le 21 octobre sonne le glas de ce rejeton dégénéré du sinistre Parti stalinien de Duclos et Marchais. Les communistes refondateurs comprendront-ils que si les trotskystes passent devant leur parti, c'est que le monde du travail commence à comprendre que ce sont bien là les vrais communistes.

                A vrai dire, bien des gens de la gauche commencent à le comprendre aussi (ceux de droite ne l'avaient jamais oublié). En voyant un jeune postier défendre une vraie politique de gauche, simplement, clairement, sans arrogance ni suffisance, des réflexions commencent à tourner. Contrairement à ce que crient les "réalistes" : il y a là un programme cohérent, qui tient la route. Certes pas selon les critères de Maastricht, mais contre eux. Un programme qui rencontre un écho dans le monde entier, et se fond avec les revendications de la grande opposition multiforme qui se met doucement en place, contre l'esclavage universel sous le joug du capital multinational, son FMI, son OCM, ses USA-Bush et ses Commissions européennes.

                J'espère être un peu entendu, par tant de femmes et d'hommes lucides, honnêtes et courageux, mais qui ont encore dans la tête des vieux restes d'"anti-trotskysme" d'un autre âge. Socialisme ou barbarie ? On est en plein dans la lutte entre l'un et l'autre. Et il n'y a pas de place entre les deux, sauf pour être écrasé par le nouveau fascisme, qu'il soit un peu plus Berlusconi ou un peu plus Haider que Le Pen. 

                (Dernière minute : j'apprends que Régis Debray s'est posé le choix dans un roman-essai, et que, finalement, ce qui ne m'étonne pas, il préfère tout de même être un esclave grec de l'empire romain d'Amérique, que de risquer d'être un gladiateur de Spartacus.)

Pendant ce temps : l'agonie de la Palestine continue

Sharon a poussé le bouchon un peu loin avec le massacre de Jénine. Mais il ne s'en fait pas pour ça : il se contrefout que son refus de vérifier les faits prouve bien que le massacre a eu lieu. Il continuera à dire, c'était le nettoyage d'un nid de terroriste, et la Communauté internationale et ses médias continuera à dire : "On peut vraiment pas savoir !" Le monstre n'a pas de bile à se faire. "Ils peuvent gueuler, se dit-il, voter des résolutions, nommer des commissions d'enquête, de toute façon, ils ne feront rien contre moi. Ils me demandent même poliment la permission pour aller voir Arafat, et ne me poseront jamais un ultimatum sérieux. Et même s'il m'en posait un, ils sont bien incapable de rien oser faire. ? J'ai Bush Junior, solidement derrière moi. Et en plus un solide lobby international.

"Ainsi, voyez la France, continue-t-il : le ministre Védrine [Note de la rédaction : à propos, rendons-lui hommage, c'est le seul qui ait eu un peu de courage en Europe sur la question palestinienne, et dont on n'a pourtant pas vanté le bilan avant et après le 2I octobre], Et bien, mon Crif lui a fait baisser pavillon au Védrine. Et pour bien faire comprendre à ces Français, un peu trop pro-palestiniens pour mon goût, qu'il fallait qu'ils me laissent massacrer en paix, j'ai fait voter Le Pen à mes Juifs confis en Talmud." Ce bon Le Pen qui n'est pas contre les Juifs s'ils sont anti-arabes et, mieux encore, en Palestine !

Le problème est là, qu'il faudrait bien que comprennent ceux qui sont en retard d'une guerre et d'un fascisme et d'un racisme : le bouc émissaire du nouveau fascisme, ce n'est plus tant le Juif que l'Arabe ! Le Pen est une brute, mais il ne manque pas d'une certaine forme d'intelligence instinctive. Il a compris le tournant de la lutte contre le terrorisme. Pour gagner, il est le plus solide soutien de Sharon, et tout feu contre les musulmans : "Tous immigrés, tous bougnouls du type de ceux que je torturais à mort et qui ont réussi à me chasser d'Algérie, tous d'Al Kaïda ! Et qui n'est pas avec moi et avec Bush et Sharon ne peut pas prétendre lutter contre l'insécurité, alias le terrorisme." Faut-il "diaboliser" un tel homme ?

Pendant ce temps : en Amérique du Sud

En Argentine : Ce qui se passe dans ce pays, dans le silence quasi total de la presse, est de la plus grande importance. L'arrogance et l'insolence du FMI, qui n'a pas exigé la saisie des comptes bancaires des voleurs locaux de ses centaines de millions de dollars, en revanche a exigé des sacrifices du peuple qu'il a ruiné avec son système. Il a fait "plouf" le FMI sur l'impuissance d'un Eduardo Duhalde, sans le sou et sans force, sans moyens et surtout sans autorité. 

Pendant ce temps, dans la pire misère, la faim grandissante, le chaos social, le peuple résiste, s'auto-organise dans une conscience politique nouvelle. Cela ira-t-il jusqu'à la constitution d'un pouvoir des comités ? Nous verrons.

Au Venezuela : Dans ce pays, le quatrième pétrolier du monde, a finalement échoué le coup d'Etat organisé par les Etats-Unis, selon les procédés classiques : une partie de l'armée achetée au tarif en cours, qui a mis au pouvoir le temps d'une journée le patron des patrons du lieu (leur baron Seillières). Mais il est très important que, cette fois, le coup ait raté. La nouvelle CIA du néophyte Bush n'avait pas eu le temps d'un nouveau Plan Condor. Le problème du contrôle universel du pétrole n'est-il pas sa tâche n°1 ?

La réaction populaire, avec l'aide d'une partie de la base de l'armée, a remis en place Hugo Chavez, coupable à la fois de liens avec Castro et avec les FARC de Colombie, mais surtout d'utiliser sa force pétrolière contre les diktats yankees. Puisse ce leader, qui n'a, hélas, rien d'un Che, tirer toutes les leçons du coup : utiliser la puissance que lui donne le pétrole pour faire une politique en faveur des masses, et épurer totalement les forces militaires. Tout leader anti-yankee doit savoir aujourd'hui que la première mesure à prendre en arrivant au pouvoir est de décapiter sa force armée.