Après des mois de silence... reprenons :
Tout s'est bien passé comme prévu dans le Journal d'Anti-Guerre :
 

L'IRAQ

 Une fois atteinte la fin officielle de la guerre d'Irak, la "propre", celle au marteau pilon, avec très peu de morts du côté Camp du Bien (et d'ailleurs plus par accidents et bavures) et une quantité convenable de milliers de morts iraqiens non dénombrés, surtout civils classiques : enfants, femmes et vieillards, et semble-t-il des trahisons bien payées en haut lieu,  la vraie guerre a commencé et se poursuit. Ingrats, ces Irakiens tuent quelques libérateurs tous les jours, ce qui finit par faire trop pour la sensibilité yankee, qui adore qu'on casse de l'indigène ("terroriste" par définition) sur toute la planète, mais a horreur qu'on lui abîme ses rambos. Certes, le pétrole avait illico recommencé à couler vers le marché ce qui était bien le principal , mais voilà que le sabotage s'en mêle. Un gouvernement superbe, concocté dans les officines US, a été fourni clef en mains à ces incultes, qui osent contester que c'est là la démocratie promise (et pourtant Colin Powell vient de leur annoncer qu'il leur mijote une Constitution, sans qu'ils aient à s'en occuper : on ne saurait rêver d'une meilleure occupation). Mais, en plus, ils exigent qu'on  leur rétablissent l'eau, l'électricité et... le pétrole, qu'on leur donne du travail, de l'argent et de la nourriture. On a beau leur expliquer que les soldats sont formés pour casser, mais pas pour réparer, le malentendu persiste. Impasse !
 

L'ONU

 En refusant la guerre, l'ONU se condamnait à disparaître, avait prophétisé M. DoubleU-Bush. Mais il est prêt à la ressusciter si elle peut convaincre les misérables pécheurs qui n'ont pas voulu "yaller" d'envoyer maintenant leurs troufions se faire tuer à la place de sa propre soldatesque fatiguée. Ils auront même la chance d'être commandés par la crème du Pentagone ! (Chirac en est d'accord). Cependant les dirigeants de la Vieille Europe ont assez de problèmes avec leurs citoyens pour n'avoir pas envie de jouer à ce jeu de c . Pour l'instant, seul les gouvernants polonois de la Jeune Europe ont accepté de montrer à la Vieille quels modèles de bons "atlantistes", bien soumis  aux Maîtres du Monde, ils seront dans la Grande en envoyant un lot de leurs troufions au casse-pipe. Mais, par ailleurs, peu de volontaires pour ce rôle de supplétifs. Impasse !

 
LA PALESTINE

Notre dernier article 'Feuille de route vers l'abîme !" a été, sans mérite aucun, beaucoup plus prophétique que le Double You. Sharon a admirablement réussi son coup. Comme le Hamas et la Djihad & C°, en acceptant une trêve, risquaient de rendre délicate la poursuite de ses colonisations et de la construction de son Mur de la Honte, il s'est empressé, par quelques assassinats bien ciblés, de piquer la queue du dragon. Parfaite réussite : les attentats ont repris, et le choeur des médias, sous la baguette du chef d'orchestre Colin Powell, ont repris le grand air : "En finir avec le terrorisme du Hamas " Et, pour cela en bonne logique ! en finir avec Yasser Arafat, promu dirigeant des "terroristes".  Expulsion ou assassinat ? Sharon est pour tuer, sans hésitation ni états d'âme (réduire en cadavres, il ne connaît pas d'autres solutions, ce criminel de guerre intouchable), mais ses protecteurs universels se grattent la tête : "Est-ce que ça ne serait pas pire ?" Impasse.

 
Et en notre FRANCE

      Tel est le monde ! Et pendant ce même temps, en notre belle France, on faisait grève contre les  lois scélérates, dites "raffarinades".  Magnifique mouvement, qui réunissait tout le monde du travail, jusqu'en ses extrémités les moins attendues : ces intermittents du spectacle, travailleurs précaires de la culture, que le MEDEF exigeait que l'on réduise à si peu que rien, vu que, la culture, ça n'est pas d'un bon rapport qualité/prix, et que, même, tous les exemples le prouvent, il lui faut le passage par la misère pour, post-mortem, rapporter gros chez Sotheby's (v. Van Gogh), et que, par ailleurs, le bon peuple a TF 1 et les "reality shows".

      Ces luttes furent magnifiques, disions-nous, et par le nombre et par le haut niveau de conscience. Pourtant, elles ne furent pas victorieuses. Pourquoi ?

      Certes, leurs directions officielles, syndicales, ne furent guère à la hauteur. Et même sans parler de la confirmation  de la trahison de la CFDT, totalement passée aux ordres du MEDEF et de son UMP, les autres avaient visiblement peur d'un affrontement qui aurait pris une portée politique. FO pouvait se permettre de crier "Grève générale" en étant sûre de n'être pas suivie, en particulier par une CGT passée d'instrument stalinien au syndicalisme de "négociations", et pas plus ! Les plus radicaux, dans cette situation, n'avaient pas les moyens.

      Et il aurait fallu des directions radicales pour foutre par terre le gouvernement CRS (Chirac/Raffarin/Sarkosy). Car c'est le second aspect des choses qu'il faut bien voir : la droite a eu une terrible peur le 21 avril 2002. Les 19,88% de Chirac, devant les 19% de Le Pen & C°, Jospin en étant à 17% devant les 10% de l'extrême-gauche et les millions d'abstentions, il n'y a pas qu'à gauche que cela a fait froid dans le dos. Dans les palais aussi la peur a été extrême. Et si la démoralisation à gauche à permis une victoire électorale à droite, majoritaire aux législatives, celle-ci en a tiré les leçons : se servir de ce score pour bétonner le système. D'abord modifier les lois électorales pour que la seule opposition possible soit le social-libéralisme : le PS devenant notre Parti démocrate. Puis voter en force les lois "libérales" scélérates en faisant tête à l'opposition et confiance en la lâcheté de l'adversaire politique et syndical.

      Voilà la conjoncture qui a permis l'échec d'un de nos plus beaux mouvement de grève.

      Cependant, les grévistes d'aujourd'hui ne sont plus ceux d'antan qui acceptaient de "savoir finir une grève". Ils ne sont plus soumis à leurs directions. C'est le nouveau monde du travail, qui pense avec sa tête et ne s'en laisse pas facilement conter. Des dizaines, des centaines de milliers de personnes, parmi les millions en lutte, cherchent de nouvelles voies. De plus en plus parmi elles comprennent qu'il faut élever l'organisation au niveau politique.

Se pose la question :

 QUE FAIRE ?

      Il y a fort longtemps qu'autant de forces populaires  n'avaient pas été mobilisées, et sur des positions aussi radicales. Mais alors que, dans le passé, organisations sociales, syndicales et politiques  étaient coordonnées de façon pyramidales, dans leurs oppositions mêmes, aujourd'hui elles sont  séparées , et morcelées jusque dans leur unité d'action.

      La faillite politique des partis de la gauche plurielle, manifestée par le 21 avril et ses suites, laisse les mouvements sociaux en état de suspicion légitime à leur égard. Ces mouvements n'ont-ils pas pris naissance dans le vide créé par la dégénérescence des partis traditionnels. Quant au formations de l'extrême-gauche, elles souffrent de la faiblesse actuelle de leur poids numérique et électoral, et, quoique inégalement, du discrédit qui pèse  sur tout le politique.  Enfin, les causes et objectifs particuliers de chacun des mouvements sociaux les différencient à l'égard de besoin d'expression politique, du repli total dans la spécificité "sociale" au désir d'une unification radicale, en passant par différentes solutions d'alliances temporaires, ou de délégation de mandat.

      Pourtant, face à une droite qui a réussi à surmonter (pour l'essentiel) ses divisions afin d'en finir avec toutes les conquêtes ouvrières de sept décennies (dites de l'"Etat Providence") et de réaliser toutes les (contre) réformes exigées par le féroce capitalisme, dit "néo-libéral", ne faut-il pas que les intérêts communs de tous ceux qui travaillent, qui ne travaillent plus ou pas encore,  réussissent à se conjuguer pour former un front défensif/offensif ?

      Comment donc sortir d'une situation marquée par de telles inégalités de forces ?  

      Gilles Lemaire, secrétaire national des Verts, a posé, à l'université d'été de la LCR, le dilemme : "Pas possible avec le PS/Pas possible sans le PS ! Cela signifiait : Pas de sortie du libéralisme avec un PS social-libéral, et pas de victoire électorale sans soumission à ce parti le plus fortement installé électoralement. Situation de l'âne de Buridan mourant d'une faim et soif égales entre un seau d'eau et un seau d'avoine.

      Jusqu'au cou dans cette situation d'impuissance, les principaux dirigeants de la gauche ex-plurielle semblent bien se préparer à venir, la corde au cou, renouveler leur accord de capitulation avec le PS.

      Pourtant, le dilemme posé par Gilles Lemaire est doublement faux.

1/Si le PCF, les Verts et les tendances de gauche du PS s'unissaient sur un programme clairement anti-libéral (et clairement auto-critique), disant nettement qu'ils jetteront par terre toutes les lois scélérates votées depuis un an et demi, ils pourraient réduire au silence l'aile social-libérale du PS...  ou se séparer d'elle, et ainsi gagner des millions d'abstentionnistes et... obtenir le soutien critique de l'extrême gauche.

2/ A l'inverse, si la capitulation se renouvelle, y compris dans la confusion des fausses promesses, comme il n'est pas question que l'extrême-gauche cède au chantage électoral du social-libéralisme, ni que les abstentionnistes du 21 avril soient convaincus qu'il faut redonner les rênes du pouvoir aux champions des privatisations, du sabotage des 35 h, de la préparation des lois.... Sarkosy, de l'européisme ultra-libéral, de l'atlantisme et du philosionisme (j'en passe : l'accueil du PS au Larzac n'est-il pas clair ?), les chances de l'alternance social-libérale sont des plus réduites et... la droite aura gagné son pari : supprimer l'alternance, poursuivre la précipitation dans la société ultra-libérale, sans espoir de retour.

      Les éléphants du PS, eux, sont conscients du danger. Ils ont donc choisi uns stratégie double : séduction du mouvement social, en s'efforçant de gagner ses leaders les plus hostiles au politique,  et le matraquage de l'extrême-gauche, promu ennemi principal, afin de paralyser de peur ses ex et futurs alliés. Cette extrême-gauche, en fait ultra-gauche (Fabius) n'est qu'une force de négation vouée, soit à l'impuissance, soit à ouvrir la voie au "totalitarisme" (Delanoé).

Sur ce dernier point, le maire de Paris a été imprudent. Car, désormais, la mémoire est revenue au monde du travail. Et comment ne pas se souvenir que c'est la social-démocratie qui a, en général, ouvert la voie  aux dictatures totalitaires, de celle d'Allemagne (celle des assassins des spartakistes, bien aidée, il est vrai, dix ans plus tard, par les staliniens), ouvrant la voie à Hitler,  à celle d'Allende, qui préféra se confier au féal général Pinochet plutôt qu'à l'armement du peuple, en passant par le gouvernement Blum qui livra, par la "non-intervention", l'Espagne à Franco? Quant à l'URSS stalinienne, visée par la "petite phrase" empruntée aux "historiens" de la droite à la Courtois (de formation stalinienne caractéristique), elle oublie que son "totalitarisme" s'est installé dans le sang premier de l'extrême gauche trotskyste, en un temps où les  prédécesseurs de M. Delanoé ne trouvaient rien à redire aux procès de Moscou, avant de vénérer le maréchal Staline !  La mémoire politique des éléphants est-elle à ce point annihilée qu'ils espèrent pouvoir faire passer de tels arguments sans provoquer de tristes ricanements ? Quant à l'impuissance, ce n'est plus de défaut de mémoire historique qu'il s'agit de la part des "puissants" du 21 avril, mais d'un caractéristique oubli psychanalytique.            

      En fait, le PS manifeste très évidemment une panique justifiée. Et c'est parce qu'une autre configuration politique permettrait de sortir du cercle vicieux.

      Un regard lucide permet de voir qu'une gauche radicale existe dans ce pays, potentiellement dans trois forces:

1/ le mouvement dit "social", dont l'ensemble des revendications, aujourd'hui dispersées, peuvent former un ensemble programmatique cohérent ;

2/ les oppositions ou minorités des différents partis de la gauche (hier plurielle) qui reprennent tout ou partie des mêmes revendications et objectifs, mais jusqu'ici entre les murs capitonnés de la vie intérieure des organisations  ; 3/enfin, dans ces organisations de l'extrême gauche qui portent avec continuité ces mêmes éléments programmatiques.

    Qu'est-ce qui interdit leur conjonction ?

      Du côté des organisations du mouvement social, la myopie de certains  (plutôt dirigeants que dirigés), qui ne voient pas plus loin que leur seul objectif propre, et/ou qui visent leur avenir personnel dans la seule obtention de la "réforme" (viendrait-elle de la droite ) qui le leur ferait atteindre.

      Du côté des partis de l'ex-gauche plurielle, la peur de devenir orphelins d'un grand parti, qui presse des militants derrière des dirigeants, opposants forts en gueule, mais qui ont aussi des sièges électoraux ou des sinécures à conserver, et continuent, en aveugles, à se heurter aux structures  des appareils, qu'il leur serait pourtant fort aisé de renverser, ou de traverser sans encombre

      Enfin, du côté de l'extrême-gauche, une méfiance profonde à l'égard des directions des précédentes, voire même de leurs oppositions internes, et une tendance au repli à l'intérieur des remparts, en attendant que les "bases" rejoignent plus ou moins spontanément.

      Tout cela créerait une nouvelle impasse tragique si et là encore, ne se dessinaient des voies de sortie du cercle vicieux.

      Car, aussi bien dans les mouvements sociaux que dans les partis "traditionnels", des têtes pensantes comprennent la nécessité urgente d'une unité organique politique de toute la gauche radicale anticapitaliste, anti-social-libérale, et donc avec ce qui, dans l'extrême-gauche n'est pas sectarisme borné (LO) ou aventurisme douteux (PT). En clair : la LCR. Et c'est un rassemblement de ces têtes dont beaucoup sont responsables et représentatives qui se dessine  derrière l'appel "Pour une alternative à gauche", dit "Ramulaud".

      Un électrochoc mental permettra-t-il la conjonction de ces forces qui ferait surgir, enfin, une force d'un nouveau type qui deviendrait le pôle que des masses attendent avec une conscience plus ou moins grande ?

      Cela est d'autant plus nécessaire, que c'est maintenant à l'échelle de l'Europe et du monde que cette force est en germe dans l'alter-mondialisation.
 

                    Michel Lequenne
 
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