Inconséquences
dans la drôle de guerre d'Irak


Oui ! Drôle de guerre que celle d'Irak. Les Etats-Unis l'avaient déclarée finie par la défaite des Irakiens. Mais c'était unilatéral. Lesdits Irakiens, la continuent, à leur façon. Celle de tous les peuples faibles contre les peuples forts depuis cinquante ans : Vietnam, Algérie, Afghanistan… on en passe.

Mes cette façon de faire la guerre n'est pas dans les "règles" établies par les plus forts, qui se sont trouvés battus dans les trois cas ci-dessus cités. Les Etats qui possèdent les plus formidables armées du monde ont donc décidé que cette façon de se battre était du terrorisme et méritait qu'on la traite sans tenir compte des "droits de la guerre", jadis établies entre puissants.

Mais la guerre d'Irak n'est-elle pas un cas à part ?

Sa justification était ambiguë. Il ne suffisait pas, pour la faire, que Saddam Hussein soit un féroce et sanglant dictateur, car il y en a tant dans le monde qu'on se demandait : "Pourquoi celui-là et pas les autres?" Mais là, il fallait y aller, parce qu'il possédait des armes de destructions massives, que les Etats-Unis, la France & Cie lui avaient fournies naguère pour faire la guerre à l'Iran. Cependant, il avait accepté de les détruire, et les inspecteurs chargés de vérifier cette destruction avaient constaté qu'elles n'existaient plus.

Oui ! mais c'était un sacré menteur, et il n'y avait pas d'autre moyen de s'assurer de sa possession de ces armes terribles qu'en les affrontant en lui faisant une guerre encore plus terrible. Et, surtout, il y avait d'autant plus de raison de l'écrabouiller qu'un mystérieux réseau, dit Al Kaïda, avait oser frapper les Etats-Unis sur leur propre sol, faisant environ 3000 morts avec des avions détournés par des kamikazes jetant par terre des tours géantes, orgueil de l'empire, et que les plus finaux des espions dudit empire affirmaient que Saddam Hussein était plus ou moins dans le coup. La mondiale opinion pensait le contraire. Mais, la mondiale opinion, ça fait combien de divisions ? La guerre eut donc lieu.

Du moins, le premier temps. Le temps de vérifier que le Saddam (disparu) n'avait pas la moindre arme de destruction massive et… rien à voir avec Al Kaïda, dont on découvrait parallèlement qu'il s'agissait d'une force intégriste saoudienne, d'ailleurs plus motivée par le contrôle du pétrole que par le Coran. L'objectif et la justification de la guerre reflua donc sur la féroce dictature de Saddam, détruite par une victoire éclatante, grâce à laquelle l'Irak devenait prête pour la démocratie dont on lui servait l'exemple avec un gouvernement tout frais sorti des cartons de la Maison Blanche et du Pentagone.

Seulement, les grands experts politologues US avaient oublié une petite chose : c'est que la féroce dictature de Saddam ne s'exerçait pas indifféremment sur toute la population irakienne, mais surtout contre la majorité chiite, qu'après avoir appelée à l'aide dans la guerre du Golfe les alliés occidentaux avaient abandonnée au massacre par Saddam. Et ces gens là s'en souvenaient (dix après, c'est peu), et voulaient bien, à la rigueur, être libérés, quoique par des moyens qui leur coûtèrent encore cher, mais sûrement pas être occupés et dirigés par lesdits occupants et leurs marionnettes. Par ailleurs, la masse des sunnites ne souffraient pas de la dictature du Saddam, mais souffrirent immédiatement d'une occupation incapable de leur rendre un minimum de conditions d'existence vivable.

D'où le second temps de la guerre : celle des faibles contre les forts : d'une part des manifestations de masse (auxquelles l'occupant répond en tirant dans le tas), d'autre part la guérilla, que l'occupant baptise "terrorisme" et, du coup, pourvue de l'étiquette Al Kaïda. Le tour est joué.
L'ennui, c'est que, malgré tout, la guerre pas finie ! Menacée de s'éterniser, même. D'autant que, manquant d'expérience, les stratèges US ont pris la méthode de leur cher complice Sharon : "On nous tue un soldat, on démolit un quartier avec les civils qui sont dedans." L'engrenage est en marche.

" A l'aide !" crient les apprentis sorciers qui voudraient bien que d'autres viennent se faire tuer à leur place, vu que les morts étatsuniens sont mauvais pour les élections. Et voici arriver les contingents de supplétifs des petits Etats bien soumis au Super-impérialisme, et leurs agents secrets en costume couleur muraille. Ils sont venus là pour garantir la paix, voyez-vous ! Mais les méchants "terroristes" qui ne veulent pas de cette paix là répondent par des attentats contre ces gentils Polonais, Italiens, Espagnols, Japonais…

De façon très inconséquente, ces attentats sont dits "aveugles". Très clairvoyants au contraire ! Très bien ciblés, comme dirait Sharon. Leurs faux nez n'ont pas réussi à dissimuler les agents secrets, et la distribution équitable des attaques contre les contingents des gouvernements qui se mêlent de ce qui ne les regardent pas — d'ailleurs contre l'avis majoritaire de leurs populations —, est d'une stratégie remarquable.

Inconséquence, enfin, que les petits coqs de chefs de ces Etats, du type Aznar/Berlusconi, pleurnichent que c'est très mal de tuer leurs espions et leurs soldats (comme si les espions n'étaient pas là pour préparer les tueries, et les soldats pour être tués s'ils ne tuent pas), et s'écrient qu'ils continueront à les maintenir sous le feu (Admirable courage ne ceux qui ne risquent rien !) pour en finir avec le Terrorisme!

La majuscule mise à Terrorisme s'impose, puisque l'idéologie impérialiste nous martèle la mystification d'une unité de causes diverses qui n'ont rien à voir les unes avec les autres : ainsi cette guérilla irakienne contre une occupation haïe comme telle, l'intifada palestinienne contre la colonisation et l'occupation terroriste sioniste, dix autres mouvements dont les pacifiques Moudjahidines du peuple iranien réfugiés en France (auxquels s'en prit le roquet Sarkozy, heureusement et finalement en vain), tous assimilés plus ou moins à l'Al Kaïda intégriste saoudienne, qui ne peut que se réjouir d'un tel amalgame qui lui permet à la fois de compromettre et de se développer.

Ainsi lesdits apprentis sorciers ne cessent-ils d'amplifier le chaos.

5 décembre 2003