29/3/2004

Un désastre de la droite

qui est une victoire du peuple

 

"La victoire va à ceux

qui la désirent le plus."

Nicolas Sarkozy 

(24/3/04)

 

 

              Toutes régionales qu'elles sont, ces élections peuvent marquer un tournant historique. Non pas en tant que victoire de la gauche plurielle reconstituée, qui, toute éclatante qu'elle soit, n'offre en elle-même aucune garantie d'avenir (d'autant qu'elle est même, par certains des victorieux, regardée comme d'"alternance"!), mais comme acte politique populaire, où une nouvelle génération a compris l'usage que l'on pouvait faire des élections, même avec un système électoral truqué, en y participant massivement et intelligemment. Car c'était bien la seule manière intelligente de punir la droite la plus réactionnaire depuis Vichy pour ses contre-réformes scélérates que de voter pour ses seuls adversaires en lice, aussi peu enthousiasmant qu'ils fussent.

              C'est cette logique intelligente du corps électoral de gauche que n'avait pas compris la LCR en acceptant le "pas de report" de LO, et ce qui l'a privé de quantité de voix qu'elle aurait pu obtenir au premier tour. Les chiffres semblent assez bien montrer que la masse des électeurs LCR/LO n'a pas suivi le "bonnet blanc/blanc bonnet" du sectarisme borné, et qu'ils se sont reportés en masse sur les listes de la gauche plurielle. Mais, pour l'instant, c'est le PS qui tire le profit de la grosse erreur d'extrême-gauche.

              Battue à plate-couture, la droite tente d'expliquer sa défaite avec des arguments misérables, qu'il vaut tout de même le coup de dépiauter, du plus simple au plus sophistiqué :

1/ C'est la faute à Raffarin. Suffira de le remplacer, par exemple, par le génial Sarkozy. Pauvre Raffarin ! On a envie de la plaindre. Comme si il n'avait pas fait là où on lui disait de faire : dans le ruisseau de Sarkozy ! Il est évident que, quel que soit le successeur, il poursuivra la même politique, quelles que soient les nuances, "habiletés", étalements et vaseline.

2/ C'est l'imbécillité des électeurs. Jamais contents ! Ils votent toujours contre ceux qui sont au pouvoir. Voyez le 21 avril. Maintenant c'est l'envers. Même Le Monde  entonne ce couplet. Certes, le 21 avril 2002 pénalisait la politique néo-libérale du PS en la personne de Jospin. Mais Chirac recueillait glorieusement 19% des voix. Et c'est le système anti-démocratique de la Ve République (d'ailleurs aggravé par la mesure Jospin de renversement de l'élection présidentielle avant les législatives) qui obligea à l'abstention ou à voter Chirac pour voter contre Le Pen. Il y a deux ans comme aujourd'hui, un vote négatif nécessaire fournissait une victoire obligée. Les électeurs des régionales  n'ont pas répété à l'envers l'élection d'il y a deux ans. Ils l'ont corrigée, tirant la leçon de la stupidité de l'abstention, chère aux anarcho-imbéciles.

3/ Un sondage minute bidon, tiré le 28 au soir comme un lapin du chapeau haut-de-forme du magicien, a donné 45% de partisans des "réformes" contre 42% pour... d'autres (?). M. Copé l'avait dit dans la semaine : "Les Français sont impatients des réformes, voilà ce dont nous payons le prix." Ben voyons ! C'est ça ! Les Français veulent moins de retraites, gagner moins en travaillant plus jusqu'à 75 ans, etc. Quelles "réformes" leur a-t-on demandé qu'ils voulaient? Le scrutin a nettement répondu par avance : contre toutes les contre-réformes des retraites, de l'indemnisation du chômage, de l'anti-35 heures, de la destruction de l'Ecole, de la Santé, de la Sécurité sociale, de la Recherche, bref contre tous les services publics, sans compter du mode de scrutin des élections européennes, la vente des HLM par M. de Robien, on en passe.

4/ Mais c'est là qu'est l'argument fort. Sans ces contre-réformes, on ne sera pas performants sur les arènes européennes et surtout de la mondialisation. Il faut nous américaniser, nous habituer à être tous des vacataires flexibles, harmoniser les salaires et les avantages sociaux par le bas, afin qu'il n'y ait pas besoin de délocaliser (seule manière d'éviter les licenciements) et que nos produits soient moins chers que ceux du reste du monde, y compris la  Chine et la Thaïlande.

              Mais me direz-vous, ce n'est pas un argument fort ! Nous  venons de montrer qu'avec nous, ça ne passera pas.

              Méfions nous tout de même, car... en Allemagne, c'est Schrœder qui fait les réformes Raffarin. Et comme la base du PSD renâcle, il a passé la main à un autre pour le secrétariat du parti, un certain Peter Glotz qui, dès son premier discours, a dit : "Tony Blair (est) le plus charismatique des sociaux-démocrates." Oui, le toutou menteur de Bush, l'homme qui a consolidé les "réformes" de Thatcher, et dont on nous montre  le succès : un pays qui a le plus bas taux de chômage, voilà l'idéal social-démocrate européen. Il serait bon que, sur la lancée du succès du PS, on demande à Hollande, Fabius, Dray & C°, ce qu'ils en pensent. Car si le "vote utile" leur a assuré une brillante victoire, on aimerait bien s'assurer de ce qui nous attend aux prochaines élections.

              En attendant, et sans délai, il faut réparer les dégâts faits à la gauche de la gauche. Avez-vous remarqué que, pendant cette période d'élections, on n'a plus parlé d'altermondialisme ? C'est à son organisation, structuration, politisation claire qu'il faut maintenant travailler, sans céder au désespoir, au mépris, à la colère, tous ensemble, sinon… on s'enfoncera dans la victoire du système américain : choix éternel entre "républicains" et "démocrates", dans la momification archéologique de la République et de la démocratie.