10 décembre 2004

NON! (ter)

Les Bénis OUI-OUI du PS l'ont emporté. Il faut dire que l'appareil avait mis le paquet. Tous les sociaux-libéraux de l'Europe ont défilé à Paris et sur les écrans. Tous les médias ont volé à leur secours. Comme d'habitude Le Monde avait pratiqué son fameux pâté de cheval et d'alouette : une alouette de Non pour un cheval de Oui. C'était l'Europe ou la fin de tout, la chute dans le vide ! Et le racolage, classique pour tout "parti de masse", des inscrits passifs contre les militants. L'équivalent de l'insécurité au plan national a été, au plan du parti socialiste, la terreur du désastre : la fin du parti et la mise au ban de l'Europe.
Chirac a félicité l'Opposition de sa Majesté. Le rondouillard Hollande en a été tout ému. Manuel Barroso le digne président d'extrême droite de la Commission européenne de pure droite libérale s'est félicité de cette belle union sacrée. Et Giscard, le non moins digne papa de la pseudo Constitution a salué ce "Pas en avant".
Pas en avant, c'est bien en effet le sens de cette acceptation du Oui ! Pas en avant dans la voie du blairisme. Le soutien apporté au "Oui" par un Jospin justifiant sa politique sanctionnée par 2002 est tout un programme ! On sait ainsi à quoi l'on peut s'attendre en cas d'alternance et de retour au pouvoir du PS. Par exemple, pour les retraites, à la place des contre-réforme de Raffarin, les "réformes" de Schroeder ! C'est-à-dire les mêmes ! Il n'y aura pas besoin de changer, sinon les étiquettes.
Comme l'écrivait le 3 décembre un journaliste du Monde, "Le PS a résolument tourné le dos au vieil espoir d'une autre politique."
Et que vont faire devant une telle situation les partisans du NON ! qui sont la majorité réelle des militants du PS ?
Les sociaux-démocrates, qui se sont tant moqué de la discipline aveugle imposée aux staliniens, voient leurs leaders exiger la même pour voter avec Chirac contre toute la gauche réelle.
Certes, il y a le secret de l'isoloir. Mais le seul silence de ceux qui gardent le droit de s'appeler "socialistes", est-ce suffisant ? Est-ce une attitude politique honnête devant le péril, pour ne pas parler de position de courage ?
Un tel démasquage du social-libéralisme devrait au moins faire serrer les rangs du front du NON ! afin de donner toutes ses chances, bien réelles, à un rejet digne du grand passé populaire de notre pays. Tel n'est pas (encore ?) le cas, à en voir certains multiplier les discriminations.
.


FAUT-IL TOUJOURS CHOISIR ?…

Les Ukrainiens entre la marteau et l'enclume
Il fait peu de doute ques les élections ont été truquées en Ukraine. De ce fait on comprend la colère de la masse de ceux qui en ont marre de la dictature d'un vieux bureaucrate stalinien, et qui le manifestent avec un beau courage. Mais quand, d'un autre côté, en entend des mineurs de l'Est expliquer que sous le ministère Iouchtchenko, ils n'étaient pas payés, et l'étaient sous Koutchma, on comprend le choix qui est donné à l'Ukraine, celui des autres anciens pays du bloc soviétique : soit le régime policier sans liberté mais avec du travail, soit la liberté démocratique avec des bas salaires et du chômage! Les élections espérées sans trucages décideront… quel cocuage ont choisi les Ukrainiens. Mais la seule satisfaction que nous puissions avoir, c'est de voir s'opposer, d'un côté Poutine, et de l'autre l'Europe de Hollande-Chirac, là alliés de Bush.

Les Ivoiriens entre mitrailleuses et machettes
Condamner la France qui est en Côte d'Ivoire pour de sordides intérêts néo-coloniaux, et dont les soldats ont tiré dans le tas comme ils ont été élevés à le faire, c'est en effet notre devoir. Mais ce n'est pas une raison pour, en même temps, parler de paisibles manifestants anticolonialistes défendant à grands cris leur président légitimement élu ! Membre de l'Internationale socialiste, désavoué par le PS il y a peu, et grand ami de Chirac jusqu'à hier, Bgagbo est une sinistre ordure qui fait régner son régime de pureté ethnique ivoirienne en s'appuyant sur des milices de tueurs. Il ne faut pas oublier que les troupes françaises sont intervenues pour le sauver de la vague des rebelles du Nord, et que les accords de Marcoussis n'ont été acceptés par lui que… pour avoir le temps de ne pas les appliquer, et que son retournement contre "le colonialisme français" ne date que de son échec à voir la France capable de le soutenir dans leur violation. Toutes les manifestations de masse ont été organisées depuis la Présidence et encadrées par ses tontons macoutes. Ses soldats réguliers ne valent d'ailleurs pas mieux et leur rôle dans l'affrontement récent est loin d'être clair.
Il s'agit bien d'un affrontement entre une puissance néo-coloniale et l'une de ses créatures pourries typiques, où les victimes sont les dindons de la farce.


Notre Journal décide de faire une place régulière à des invités; Aujourd'hui ce sera :


Le ministre brésilien de l'Education
M. Cristovam Buarque

Interrogé par des étudiants d'une université des Etats-Unis sur ce qu'il pensait au sujet de l'internationalisation de l'Amazonie, et l'un d'entre eux précisant qu'il espérait une réponse d'un humaniste et non d'un Brésilien, M. Cristovam Buarque, répondit :

" En effet, en tant que Brésilien, je m'élèverais tout simplement contre l'internationalisation de l'Amazonie. Quelle que soit l'insuffisance de l'attention de nos gouvernements pour ce patrimoine, il est nôtre.

En tant qu'humaniste, conscient du risque de dégradation du milieu ambiant dont souffre l'Amazonie, je peux imaginer que l'Amazonie soit internationalisée, comme du reste tout ce qui a de l'importance pour toute l'humanité.

Si, au nom d'une éthique humaniste, nous devions internationaliser l'Amazonie, alors nous devrions internationaliser les réserves de pétrole du monde entier. Le pétrole est aussi important pour le bien-être de l'humanité que l'Amazonie l'est pour notre avenir. Et malgré cela, les maîtres des réserves de pétrole se sentent le droit d'augmenter ou de diminuer l'extraction de pétrole, comme d'augmenter ou non son prix.

De la même manière, on devrait internationaliser le capital financier des pays riches. Si l'Amazonie est une réserve pour tous les hommes, elle ne peut être brûlée par la volonté de son propriétaire, ou d'un pays. Brûler l'Amazonie, c'est aussi grave que le chômage provoqué par les décisions arbitraires des spéculateurs de l'économie globale.Nous ne pouvons pas laisser les réserves financières brûler des pays entiers pour le bon plaisir de la spéculation. Avant l'Amazonie, j'aimerai assister à l'internationalisation de tous les grands musées du monde.

Le Louvre ne doit pas appartenir à la seule France. Chaque musée du monde est le gardien des plus belles œuvres produites par le génie humain.

On ne peut pas laisser ce patrimoine culturel, au même titre que le patrimoine naturel de l'Amazonie, être manipulé et détruit selon la fantaisie d'un seul propriétaire ou d'un seul pays. Il y a quelque temps, un millionnaire japonais a décidé d'enterrer avec lui le
tableau d'un grand maître. Avant que cela n'arrive, il faudrait internationaliser ce tableau.

Pendant que cette rencontre se déroule, les Nations unies organisent le Forum du Millénaire, mais certains présidents de pays ont eu des difficultés pour y assister, à cause de difficultés aux frontières des États-unis. Je crois donc qu'il faudrait que New York, lieu du siège des Nations unies, soit internationalisé. Au moins Manhattan devrait appartenir à toute l'humanité. Comme du reste Paris, Venise, Rome, Londres, Rio de Janeiro, Brasília, Recife, chaque ville avec sa beauté particulière et son histoire du monde devraient appartenir au monde entier.

Si les États-unis veulent internationaliser l'Amazonie, à cause du risque que fait courir le fait de la laisser entre les mains des Brésiliens, alors internationalisons aussi tout l'arsenal nucléaire des États-unis. Ne serait-ce que par ce qu'ils sont capables d'utiliser de telles armes, ce qui provoquerait une destruction mille fois plus vaste que les déplorables incendies des forêts Brésiliennes.

Au cours de leurs débats, les actuels candidats à la Présidence des États-unis ont soutenu l'idée d'une internationalisation des réserves florestales du monde en échange d'un effacement de la dette. Commençons donc par utiliser cette dette pour s'assurer que tous les enfants du monde ait la possibilité de manger et d'aller à l'école. Internationalisons les enfants, en les traitant, où qu'ils naissent, comme un patrimoine qui mérite l'attention du monde entier. Davantage encore que l'Amazonie. Quand les dirigeants du monde traiteront les enfants pauvres du monde comme un Patrimoine de l'Humanité, ils ne les laisseront pas travailler alors qu'ils devraient aller à l'école; ils ne les laisseront pas mourir alors qu'ils devraient vivre.

En tant qu'humaniste, j'accepte de défendre l'idée d'une internationalisation du monde. Mais tant que le monde me traitera comme un Brésilien, je lutterai pour que l'Amazonie soit à nous. Et seulement à nous ! "


( la presse nord-américaine a refusé de publier ce texte)
.