18 décembre 2004

NON! (quater)

À toutes les raisons intrinsèques que l'on a de s'opposer à la pseudo Constitution libérale de l'Europe, bien développées par tous les partisans du "NON !", et en particulier par la Fondation Copernic, on peut y ajouter des raisons de perspectives internationales. Car qui dit libéralisme dit pouvoir supérieur, au-dessus des gouvernements des États, du pouvoir des multinationales, et donc du super-impérialisme américain. Et celui-ci multiplie déjà ses "chevaux de Troie" en Europe. Après la Grande-Bretagne qui se place sur chaque question européenne en position d'arbitre, sans être entrée dans la zone euro, ce qui est un comble, on a maintenant les petits pays de la "jeune Europe" qui soutiennent encore la guerre de Bush en Iraq. Certes, les gouvernements qui ont pris cette position ont de grandes chances d'être évincés. Mais il restera que la masse des pays pauvres contre les pays riches du Continent risque de faire durer le jeu de l'appel au grand frère américain.

Et puis, il y a ce problème de la Turquie !
Les arguments échangés entre partisans et adversaires de l'adhésion sont curieux. Ceux des partisans ont le mérite d'être clairs. Ils sont essentiellement d'ordre économique. Pour les reste, il suffira que la Turquie sauve suffisamment les apparences des droits de l'homme. Le seul problème sur lequel les partisans ont un peu de fermeté est la question de Chypre, où ils ont d'ailleurs raison. Quant à la reconnaissance du génocide arménien, M. Barnier a déjà mis une croix dessus. Cette dernière question est, avec celle de Chypre, la principale raison des opposants à l'adhésion. Or ce génocide est loin dans le temps (bien plus loin que des tas de crimes de guerre et contre l'humanité des diverses nations d'Europe). Son importance actuelle tient donc à ses conséquences non résolues dont on parle peu, et qui sont pourtant les raisons du refus turque de l'admettre.
Curieux débat qui laisse de côté le plus brûlant, le plus actuel. Et d'abord le génocide kurde qui est d'hier, et dont les conséquences saignent encore. Mais c'est que cela touche au délicat problème du droit à un Kurdistan, et donc à la modification des frontières, tabou de toute la "Communauté internationale". Or, la Turquie dans l'Europe ferait rentrer un problème national dix fois pire (en morts humaines) que celui de l'Irlande du Nord et du Pays Basque réunis.
Enfin, il y la place de la Turquie dans l'échiquier mondial. Bush tient dur comme fer à voir entrer la Turquie dans l'Europe. Mais, dira-t-on, n'a-t-elle pas refusé de participer à la guerre d'Irak? Il faut voir pourquoi. D'une part le gouvernement musulman, alors tout neuf, ne pouvait passer par-dessus l'opposition populaire, et d'autre part Bush ne pouvait prendre le risque d'accepter les condition turques de l'engagement, à savoir le dépeçage de l'Irak par annexion du Kurdistan irakien. La Turquie n'en reste pas moins le plus grand cheval de Troie américain, par l'armée turque, pilier de l'OTAN, qui reste une force quasi autonome, et susceptible de reprendre le pouvoir à la première crise venue. Enfin, la modération musulmane d'un gouvernement, dont le chef était hier un terrible intégriste, manque sensiblement de garanties.
Quant aux droits de l'homme, et surtout de la femme, à la fin de la torture dans les prisons, à la libération de tous les prisonniers politique et à la liberté d'expression, cela aura besoin de sacrées vérifications pour qu'on y croie.


Croire en la justice de nos pays ?

Dans son numéro du 12 et 13 décembre, Le Monde a publié un énorme article de M. Armando Spataro, de son état procureur adjoint de la république italienne et coordinateur de la section antiterroriste du parquet de Milan. En s'en prenant à un article de défense de Cesare Battisti, publié par Fred Vargas dans le même journal des 14 et 15 novembre, il s'adresse à nous tous qui défendons ce condamné des années noires de la Péninsule que notre Justice a "libéralement" décidé de livrer à la sienne. Son principal, et en fait seul argument, c'est qu'il a des preuves de la culpabilité de Battisti qui figurent dans les centaines de pages des arrêts de cours d'une justice ordinaire, et non pas des seuls aveux de ces estimables "repentis", lavés de leurs crimes en échange de dénonciations à la demande.
Oui, mais voilà : le même jour, le même journal nous apprenait que Silvio Berlusconi échappait à une condamnation dans une affaire de corruption de magistrat. Cela après s'être accordé l'immunité pour ses autres crimes. Manque de chance pour M. Spataro. Mais, à titre personnel (et j'appelle tous les défenseurs de Battisti à faire comme moi), je m'engage solennellement à lire les 500 pages des arrêts qui prouvent sans ambages la culpabilité de Battisti… dès que M. Berlusconi sera condamné et mis sous les verrous !