Il ny a pas de trêve des confiseurs pour les offensives américaines. Nous assistons depuis quelques mois à une offensive sans précédent des Etats-Unis pour obtenir une hégémonie culturelle au niveau mondial. Certes, depuis la fin de seconde guerre mondiale, les Etats-Unis nont jamais cessé dessayer dimposer leurs produits, surtout dans le domaine de laudiovisuel : on se souvient ici des accords dits Blum-Byrnes, qui préservaient, tant bien que mal, la production française de lenvahissement par les films américains, envahissement réussi par ailleurs dans bien des pays européens. Plus récemment, relayés en cela par des marchands de musique locaux, les Etats-Unis firent un lobbying discret, mais puissant, pour tenter déliminer les quotas minimaux de musique nationale que voulurent mettre en place divers pays dEurope.
La mondialisation a donné des ailes à cette offensive. Depuis toujours, la vision américaine de la culture lassimile, contrairement à celle qui prédomine encore en Europe, à un secteur marchand comme les autres. Audiovisuel, spectacle vivant, livre même, tout cela est de lentertainment, du divertissement. Cette vision nest évidemment pas partagée par tous les citoyens américains, et nous savons bien ici mesurer lapport majeur des Etats-Unis à la création culturelle dans le monde. Nous avons pu mesurer la désolation de bien des créateurs ou universitaires américains face à cette notion dominante de culture-entertainment.
Loffensive américaine passe notamment par lUNESCO. Pour la culture comme pour léducation, les Etats-Unis tentent de vider de leurs contenus les chartes préparées par cet organisme, considérant ces secteurs comme biens communs de lhumanité, devant être protégés du marché. Il semble quaujourdhui une vaste coalition, englobant notamment lAllemagne, le Brésil, le Canada, la Chine, la France, lInde soit en état de mettre en échec les tentatives américaines, mais rien nest encore joué. Pour résumer un peu abruptement le débat, la question est de savoir si les échanges culturels doivent être organisés à partir de la future charte, non-marchande, de lUNESCO, ou être traités dans le cadre, bien entendu marchand, de lOMC.
Et les Etats-Unis tentent par ailleurs de tourner une éventuelle charte en négociant dans le monde entier des accords bilatéraux. Très récemment, une tentative de mainmise sur le cinéma marocain émergent a échoué de justesse. En Corée du Sud, qui a pu développer un cinéma national dont la qualité a depuis quelques années franchi les frontières, grâce à une politique de quotas (40%) de films nationaux sur les écrans, est sommée de réduire ce quota de moitié sous peine de représailles commerciales. Deux exemples parmi de nombreux autres. Chantages et business, voilà les fondements de loffensive culturelle américaine. Face à cela, une fois de plus, lEurope peine à faire front commun : les Pays-Bas, la Grande-Bretagne sont sur les positions américaines, lItalie vient de décider de réduire laide publique au cinéma indépendant (traduire en italien : indépendant de Berlusconi).
En France, ce sont les créateurs qui avaient lancé la résistance à lAGCS. Nous avons confiance dans leur mobilisation. Mais celle-ci doit être relayée par les citoyens, à travers les associations, les partis politiques, les syndicats. Nous appelons donc à la vigilance.