8 février 2005

Unité
sans exclusive à gauche
pour le

NON !

Il devient de plus en plus clair que le fossé entre partisans du "Oui" et du "Non" est celui de la lutte de classes, entre les partisans dur ou mou du capitalisme néo-libéral, et ceux qui lui disent :

Halte  ! C'est une autre Europe qu'il faut construire  !

Le camp de "Oui" se confond avec celui des eurocrates serviteurs des multinationales en train de privatiser tous les services publics et de marchandiser jusqu'à nos gènes. C'est celui de l'incrustation dans l'OTAN, donc dans la dépendance militaire des Etats-Unis. C'est celui du refus de l'unification par le haut des régimes sociaux les plus avancés et des droits des femmes.
Le camp du "Non" devient du même coup celui du monde du travail qui veut une Europe sociale et véritablement démocratique, une Europe qui élève les conditions de vie et de travail des pays les plus pauvres et non fasse retomber celles des pays les plus développés au niveau des premiers.
Le péril longtemps caché aux yeux des peuples se manifeste maintenant par les attaques générales pour la prolongation de la durée du temps de travail, en même temps que, au revers, pour sa précarisation ; pour le recul de l'âge de la retraite et l'écrasement des régimes de répartition au "profit" des fonds de pension (du type Enro, qui a volé tous ses cotisants) ; pour la remise en cause du droit à la contraception ; pour l'imposition des semences génétiquement modifiées (monopole des multinationales agraires) contre les naturelles qu'elles menacent de mort ; enfin par les manipulations des régimes électoraux vers toujours moins de démocratie réelle.
Toutes les tentatives pour nous faire croire qu'il n'y a pas d'autre Europe possible que celle de cette régression générale commencent à se heurter à notre expérience quotidienne, mais les plus grands efforts sont encore nécessaires pour que personne n'en puisse plus douter. Car, jusqu'ici, sûrs de pouvoir nous rouler dans la farine, ces MM. les néo-libéraux de droite comme de gauche, des Blair aux Schröder, et des Chirac aux Berlusconi, et maintenant le grand chef de la Commission de Bruxelles, le Portugais Barroso (battu aux municipales de son propre pays), y allaient franco de leur (contre)réformes et de leurs "directives européennes" au-dessus des droits conquis de haute lutte. Notre éveil les affole. Témoin le coup tordu de la directive Borkenstein (analysée ci-dessous par notre invité de la semaine), qu'ils essaient de masquer en vitesse.
Mais il serait grave que le succès du "Non !" soit compromis par la confusion entre ses tenants de gauche. Nulle erreur du passé (et qui n'en a jamais fait ?) de l'un ou de l'autre courant ou personne du front du "Non !" ne doit entraîner exclusive. Selon la formule (trop oubliée) du Front unique, il faut "Marcher séparément - frapper ensemble", et ajoutons : sans se tirer dans les pattes en même temps. Il est criminel de donner à l'ennemi l'argument de raisons diverses ou opposées, étrangères aux argumentations qui nous sont communes, de refuser le "traité- prison" de l'Europe néo-libérale.
Il est vrai, bien évidemment, que nous n'avons pas tous la même conception de l'Europe de démocratie sociale à construire. Mais, déjà, nos refus dessinent en creux ce que nous voulons de plus fondamental : l'Europe des valeurs de vie humaine contre celle des profits, de l'internationalisation des peuples contre la globalisation par le fric-roi et la guerre.
Et c'est seulement sur les ruines de l'Europe néo-libérale que pourront apparaître et s'imposeront les solutions, jaillissant du débat démocratique des peuples, qui ouvriront les voies d'une Europe digne de ce nom.

Les offusqués de la directive “ Bolkestein ”

Cette directive (loi, en terme de droit européen) a été déposée le 13 janvier 2004 par l’ancien Commissaire européen néerlandais Fritz Bolkestein, membre de l’ancienne Commission de Romano Prodi. J’insiste sur l’adjectif "ancien", car cette directive ne date pas d’hier, mais bien d’avant hier, et qu’à l’époque elle ne semble pas avoir retenu nos médias.
Et voici que, tout à coup, nos quotidiens, nos radios et même la télévision se mettent à en parler. Sur France Inter, au matin du 3 février, nos parlementaires, par la magie d’une prise de conscience aussi tardive qu’inquiétante, se sont offusqués de cette directive, qu’ils trouvent dangereuse pour les Etats membres comme pour les dix futurs Etats qui vont entrer dans l’Union Européenne.
Pourtant, notre gouvernement avait approuvé cette directive scélérate. Pourquoi donc fait-il soudain marche arrière ? Pourquoi, de Barrot à Barnier, tout le monde fait-il semblant de protester et de découvrir l'horreur ? Du coup, le PS, dont il faut rappeler que des militants du “ oui ”, comme Bernard Poignant, avaient soutenu la dite directive contre les partisans du “ non ”, a dû sonner la charge et exiger son retrait.
Si cette directive gêne soudain, c’est parce qu’elle devait être examinée en juin prochain. Et juin prochain, c'est la période du référendum  ! Et que serait-il advenu si, sous les dénonciations de la gauche européenne, (l'Humanité avait été le premier quotidien à en parler, l'été dernier), elle avait été rejetée à ce moment par le Parlement, ou par une minorité de blocage du Conseil européen ?
Au contraire, si cette directive est renvoyée à un examen ultérieur, on n’en parlera plus en juin. Et la Constitution votée, "passez muscade  !", on la retrouvera excellente après  !
Car, ce que nos parlementaires de droite et les socialistes du "Oui " se gardent bien de nous dire (ou ignorent encore), c’est qu’en terme de droit, cette directive se fonde sur plusieurs articles de traités actuellement en vigueur et qui sont transposés mots pour mots dans l’article III-145 du Projet de Traité Constitutionnel :

“ …Les services comprennent notamment :

    • des activités à caractère industriel ;
      des activités à caractère commercial ;
      des activités artisanal ;
      les activités des professions libérales.

Sans préjudice… , le prestataire peut, pour l’exécution de sa prestation, exercer, à titre temporaire, son activité dans l’Etat membre où la prestation est fournie, dans les mêmes conditions que celles que cet Etat impose à ses propres ressortissants. ”

Le revoilà le fameux “principe du pays d’origine” selon lequel les réglementations applicables lors d’une prestation de service seraient celles du pays d’origine du prestataire et non celles du pays où s’effectue la prestation.
Prions donc nos parlementaires et les partisans du "Oui", tous indignés de la directive “ Bolkestein ”, d'exiger (entre autres) la suppression de l’article III-145. Car en plus d’ouvrir toutes grandes les portes de l’Europe aux délocalisations, au dumping social avec son cortège de déréglementations, cet article, sous ses intitulés si généraux qu'ils semblent anodins, se garde de préciser que "tous les services", cela vaut en particulier pour la Santé ou l’Education.
Directive et article ne sont, faut-il le préciser, qu'un exemple de la nocivité anti-sociale de nombreux autres articles de ce traité constitutionnel, corde au cou que l'on nous demande de nous passer nous-mêmes.

L. Gouésigoux pour Educ@ction Gourdon.
http://educaction.ouvaton