10 avril 2005

Contre le
NON !
Les OUIs-TITIS s'agitent.

      Il est intéressant d’analyser leur stratégie. Ils savent que, désormais, ceux qui ont décidé de voter NON ne changeront pas d’avis, car leur choix est motivé par la compréhension du caractère réactionnaire et mortifère de la pseudo-Constitution. Ils visent donc, d’une part la masse de ceux qui ne l’ont pas lue et ne la liront jamais, indécis et abstentionnistes ordinaires, d’autre part les électeurs traditionnels de droite de la petite et moyenne bourgeoisie, hostile à la Constitution parce qu’ils voient bien qu’elle va, non seulement à l’encontre des intérêts du monde du travail, mais aussi contre les leurs, toutefois restent sensibles au terrorisme intellectuel de la menace du chaos.
      D’où une double attaque. D’un côté le mensonge sur le contenu du texte, jusqu’à lui faire dire le contraire de ce qu’il contient, et les insultes contre les partisans du NON ; de l’autre la tentative de démonstration alambiquée qu’il n’y a pas d’autre issue que la Constitution, que sans elle ce ne sera pas le statu quo et la nécessité d’un tournant radical de la construction de l’Europe, mais qu’elle s’effondrera.
      Voyons d’abord le côté des mensonges contradictoires et des cris de haine.
      A tout seigneur, tout honneur : le Bolkestein et sa directive ! Il a cru, qu’il a dit, que nous le prenions pour un loup garou. Mais non, mais non, bonhomme ! Si toi tu nous prends effectivement pour des idiots ; nous savons ce que tu es, ancien crocodile de la Shell devenu technocrate du Capital tout entier ! Et venir nous expliquer que ta directive partait des meilleurs sentiments, qu’en fait elle était déjà appliquée et que, d’une façon ou d’une autre, il faudrait bien l’avaler, après un « remaniement technique et pas un retrait du texte. » Si nous t’avons cru là-dessus sur parole, tes pauvres amis Ouis-titis ont dû se sentir mal, eux qui se tuent à nous jurer le contraire, tel le bon Hollande, sur France Inter, le 14 mars, disant à Pascal Paoli : « La directive Bolkestein n’est pas approuvée ! C’est-à-dire, c’est un projet de directive, qui est d’ailleurs totalement remise en cause. Et c’est d’ailleurs –soyons-en fiers – ce sont les socialistes européens qui ont permis ça. Donc, il n’y a plus de directive Bolkestein. » Et le bon Dominique Strauss-Kahn (vous savez, l’avocat qui faisait payer au prix « normal » de plusieurs millions de francs ses conseils à la Mutuelle étudiante), à France Inter encore, le 9 mars, « Nous avons demandé et obtenu le retrait [sic] de la directive Borkestein ». Laissons de côté la parole de Chirac qui jure que c’est lui qui a renvoyé la directive, d’ailleurs non à la poubelle, mais à la réécriture, et pour la bonne raison, exposée avec force arguments par Antoine Rémond, dans Le Monde du 9 avril que LA DIRECTIVE BOLKESTEIN NE SERA PAS MODIFIEE, vu que la Commission européenne, ce pouvoir au-dessus de tous les pouvoirs européens, seule le pourrait mais ne le veut pas.
      Vous connaissez l’histoire russe : « Quand je t’ai rendu ta cruche, elle n’était pas cassée, d’ailleurs elle était cassée avant que tu me la prêtes, et puis, tu ne me l’as jamais prêtée ! » C’est exactement l’histoire de la directive Bolkestein : « Elle est supprimée, et puis elle sera corrigée, enfin on la gardera mais ça n’a rien à voir avec la Constitution. ». Les pauvres Ouis-titis ! Que de grimaces ! Certes, la directive Bolkestein n’est pas dans la Constitution, mais la « concurrence libre et non faussée » (68 fois dans la Constitution !) la permet, et rien n’y peut faire obstacle, d’où la tranquillité de Frits pour son avenir… à moins que le NON l’emporte !
      Mais, la Constitution elle-même, comment la défendre ? En jurant qu’elle contient ce qui n’y est pas. Le gros morceau ce sont les « services publics », ignorés de la Constitution qui y substitue les Services d’intérêts généraux, privés ou publics, mais tous soumis à la « concurrence libre et non faussée », c’est-à-dire interdits d’aide des Etats. Martine Aubry a dit le contraire à Dominique de Montvallon, à propos de l’ouverture à la concurrence de la Poste (d’où l’interdiction de baisse de ses tarifs !) : « Non seulement ce n’est pas l’Europe qui le fait [vrai ! mais selon l’exigence européenne], mais c’est fait avant la Constitution qui justement, pour la première fois, accepte de reconnaître [où ?] que des services publics peuvent exister dans des pays, c’est-à-dire que des Etats peuvent financer complètement des services publics sans rentrer dans les règles de la concurrence européenne. » Il est évidemment difficile de mentir plus cyniquement.
      Et pour faire passer, la Martine Aubry en rajoute : « Les tenants du non attisent les peurs. C’est grave quand ce sont des femmes et des hommes de gauche parce que cela rappelle une certaine campagne, quand on a fait peur aux Français sur la sécurité. »
      Et qui donc faisait peur, chère Martine ? Ton propre état-major si mes souvenirs sont exacts. Et qui dénonçait cette campagne ? Des gens qui votent NON aujourd’hui ! Et qui tente de nous terroriser en tranchant : « Une victoire du non équivaudrait au souffle d’une bombe atomique ! » ? Ton copain Ouis-titi Strauss Kahn. Tandis que ton allié, le Ouis-titi Bayrou s’écrie de son côté (Le Monde, 7 avril) que si le non l’emporte : « Je vous le dis de toutes mes fibres, il pleuvra plus de 40 jours. » A savoir : ce sera l’Apocalypse. Beau duo de la terreur.
      Et si vous n’êtes pas terrorisés, c’est, comme vous le déclare, dans Marianne du 19 février, cette vieille girouette rouillée en position droite de Rocard, que vous pataugez dans « une pollution, une mystification et un mensonge, le choix du néant, une piscine sans eau, de l’agitation d’analphabètes. » Faut-il que ces gens soient terrorisés eux-mêmes pour en arriver à tomber si bas ! Mais par quoi ? Par rien d’autre, hélas ! que par la perspective de perdre leurs portefeuilles de porte-coton du Capital. Ils se sont si bien installés dans le confort libéral que sa mise en question est pour eux, effectivement, le spectre de la fin du monde.
      Cependant, comme il y a des gens qui ne se laissent pas impressionner par le baratin de baraque de foire et par les films d’horreur de série B, il y a les ouis-titis en smoking pour tenter des argumentations à allures savantes, économiques, historiques, philosophiques.
      Ainsi M. de Villepin, qui s’écrie dans Le Monde (haut lieu du « ouisme » distingué) : « Je ne peux imaginer que la patrie des droits de l’homme refuse de se battre pour des droits directement inspirés de 1789. » Là ! le contresens n’est plus un sommet, mais une chaîne de montagnes. Où voit-il l’abolition des privilèges et des droits seigneuriaux… du Capital. Où voit-il l’opposition à l’Europe des féodalités de la finance régnant sur la misère des masses ? Où voit-il le peuple levé contre la sainte Alliance de l’OTAN ?… et sa tête sur une pique !
      Le François Chérèque de la CFDT-Médef, dont tout le monde se souvient des brillantes prestations sur les retraites (en particulier les milliers de syndiqués que sa performance a conduit à briser avec sa Centrale), fait remarquer l’isolement du NON dans « le syndicalisme européen ». C’est sans souligner qu’il s’agit du syndicalisme des bureaucraties et non des syndiqués, de pays où ils ne voteront pas plus qu’en Italie, où c’est la « majorité » battue de Berlusconi qui a donné l’absolution à la Constitution. En fait, une grande majorité des peuples aurait voté contre cette Constitution si on leur avait donné la possibilité de s’exprimer, comme nous l’avons, nous, du fait d’une erreur d’estimation de leur autorité des Ouis-titis.
      Et ils le savent, tous nos grands eurolibéraux, puisque c’est une de leur banque, la Morgan Stanley, qui a calculé que la Constitution n’avait qu’entre 34 à 49% de chances d’être adoptée. Il fallait donc que ce ne soit pas les peuples qui votent.
      Un pas de plus dans le raffinement : les Français sont des « euro-sceptiques » et ils souffrent de « sinistrose », voyez-vous ! On se demande en effet de quoi nous nous plaignons en cette Europe du libéralisme. Nous avons un euro qui a permis une honorable hausse des prix, laquelle s’est ajoutée au décalage toujours plus grand entre tous les revenus du travail et des retraites avec lesdits prix, et des services publics réduits en moyens et personnels, des hôpitaux à l’école et aux postes. Le chômage ne cesse de croître, malgré les manipulations de ses chiffres par renvoi de chômeurs à la misère pure, qui multiplie les « nouveaux mendiants », et laisse sans emploi des armées de jeunes, surtout dans les zones défavorisées, terreau des « problèmes sociaux » confiés aux soins de la police. C’est ça votre Europe ! Et ce sont les principes qui nous ont amenés à ça qui sont consacrés dans cette Constitution inamendable.
      Car tous les Ouis-titis modérés qui nous expliquent que, bien sûr, eux non plus ne la trouvent pas parfaite, qu’elle a des défauts, mais qu’il faut la voter pour faire un pas en avant, « rapprocher l’Europe réelle de l’Europe souhaitée » (Jean-Marc Ayrault, président de groupe socialiste de l’Assemblée), qu’il y a dedans des choses positives ( ?), mais sans nous parler des terribles choses négatives, des vides grands comme des abîmes, tous sont des escrocs, car ils savent qu’elle est inamendable.
Alors ? Ultimes arguments

      1/ L’ineffable histrion Val, auto-promu grand penseur politique de Charlie hebdo : Ce qu’il y a dans la Constitution, c’est déjà dans tous les traités européens antérieurs. Or, vous les avez votés ( ?)… puisque vous n’avez pas élu des Brejnev et des Fidel Castro. Donc « Reprocher son manque de radicalité à la Constitution, c’est reprocher aux peuples de s’être trompés pendant cinquante ans. Elle ne fait que refléter leurs choix. » CQFD. Il manque toutefois un petit hic à cet admirable raisonnement : le droit que nous avons, nous, le peuple, de changer d’avis, et de dire NON, c’est-à-dire MERDE à certains pour qui nous avons éventuellement voté, faute de mieux.
      2/ La prime, naturellement, au Monde, via son porte-parole Thierry de Montbrial (encore un de…Où est ma pique !). Un très long article, le 6 avril, pour expliquer qu’il n’y a aucune porte de sortie à la Constitution. Rejetée, c’est l’arrêt vers le pire. Version savante, en au moins dix variantes, de la fin des haricots, de l’explosion atomique de Strauss-Kahn et de l’Apocalypse selon saint Bayrou. Vous devriez, M.de Montbrial aller en parler avec M. de Villepin : Un 1789 du NON, ça peut aussi déboucher sur un 1792, voire un 1793… en mieux, car l’histoire n’est pas forcée de se répéter (et que le petit Naboléon Sarkozy ne se fasse pas d’illusions, il ressemble plutôt à un Talleyrand, surtout par le côté merde dans un bas de soie).


      Note : Je n’ai pas eu le temps de vous parler de la mort de saint Jean-Paul IIxIII=VI-da, et des très belles manifestations auxquelles elle a donné lieu, et qui sont pourtant une introduction à ce que serait la laïcité européenne selon la Constitution, si notre NON ne l’emportait pas. Son ami Pinochet espère qu’à cette occasion on l’absoudra définitivement de ses péchés mignons, dont Jean-Paul l’avait grondé, avec une petite tape sur la joue pour adoucir le reproche.