Le 14 avril a donné lieu à deux manifestations pleines denseignement et despoir. Dun côté le grand spectacle de TF 1 organisé pour et par Chirac, champion du « ouisme » toutes catégories ; de lautre le meeting unitaire de la gauche au Zénith. Dun côté le lamentable monologue répétitif de Super Menteur, étayé par trois speakers cireurs de pompes, devant 83 jeunes gens des deux sexes, soigneusement sélectionnés, avec des questions préparées à lavance et vérifiées par les censeurs. De lautre des leaders de toute la gauche véritable devant 6 000 personnes pour un espoir enthousiaste dune autre Europe, sociale et démocratique, gagnée par la lutte unitaire de tout le monde du travail.
Malgré les précautions pour le choix du « panel » de jeunes « ouistes », ceux-ci étaient plutôt tristes, et pas rassurés du tout quant à lEurope quon leur mijote. Leurs pâles questions embarrassées ne manifestaient aucune connaissance du contenu de la Constitution, mais à la fois laveu quils ny comprenaient rien, à ce pavé, lattente quon leur explique, et quon leur donne lassurance que ça navait rien à voir avec la politique de Raffarin, donc de Chirac lui-même, ni avec la directive Bolkestein, ni avec le chômage, les délocalisations, etc., bref de tout ce qui découle de la Constitution, en est lessence et la garantie. Pour leur répondre, le Chirac commença fort : Hier, le libéralisme, demain lhumanisme de la Constitution ! Rien de moins. Démonstration : zéro. Indigné quune jeunesse (celle-là) ne brûle pas denthousiasme, il lui expliqua que tout ce quils voyaient qui allait mal nétait quillusion, alors quavec lEurope déjà tout allait mieux, que les entreprises embauchaient et quon était la première puissance économique du monde, quil fallait que nous soyons aussi une puissance militaire (sans que la mise sous tutelle de lOTAN soit même effleuré !), et que tout irait encore mieux en votant la Constitution. Naturellement, il fit le coup dassurer que les « services dintérêts généraux » étaient la même chose que les services publics. Malgré cela, les visages sallongeaient, et il fallut au Grand OuisTiti ne pas entendre, voire faire taire, des propos qui sortaient par accident imprévu du cadre permis. Même PPDA se vit couper la parole au moment où il osait parler des Français qui avaient contresigné la directive Bolkestein. Le coup de poignard de Brutus ? Non, simple maladresse. Mais le Président en blêmit. Il en fut obligé de répéter sa conjuration de navoir pas peur, alors que ses menaces et ses prévisions apocalyptiques pour la France manifestaient et tendaient à imposer sa propre terreur.
Le camp des Ouistitis en a été catastrophé. Et cela les rend méchant. Dans Le Monde, le scribouillard Patrick Jarreau ose assimiler le Non de gauche à la politique stalinienne anti-social-démocrate des années 30 en Allemagne qui contribua à amener Hitler au pouvoir. Il fallait un petit renégat de la gauche pour atteindre ce degré dignominie. Bien entendu, pas un reportage du meeting du Zénith sur les chaînes de télévision. En revanche, De Villiers et Pasqua nétaient pas de trop, sur Arte, pour donner lavis du » Non » quant à la performance de Chirac.
Plus despoir de convaincre de voter « oui » avec des gens de droite (surtout, bien cacher les Barroso et les Berlusconi). Les Ouistitis en appellent donc maintenant à tous les sociaux-libéraux dEurope pour nous expliquer quil ne faut pas voter par mauvaise humeur pour la politique intérieure française. Mais Chirac avait déjà joué cet air-là, sans nous dire pourquoi, appelant à voter pour une Europe humaniste et non libérale (sic), il ne changeait pas immédiatement de politique, ne chassait paa Raffarin, ne bottait pas le cul à Sarkozy, ne retirait pas immédiatement sa loi Fillon et nappelait pas son Parlement, pourtant à sa botte, à annuler ses trois ans de contre-réformes ?
Ces gens-là narrivent pas à comprendre quils ont tort de nous prendre pour des idiots, des demeurés à qui il faut de la « pédagogie » pour quon les suive, « eux qui savent ». Ils ne comprennent pas que plus ils manifestent leur incapacité à répondre à nos véritables arguments, plus le camp du Non sélargit. Mais il est vrai quils ne peuvent en dire la vérité de cette Constitution, puisquil sagit du condensé de la politique et de léconomie dont nous avons fait lexpérience toutes ces dernières années, et que nous rejetons en toute conscience.
Ils vont donc, dune part, continuer à nous seriner que nous ne sommes pas Européens, mais des « Eurosceptiques », que nous sommes le seul peuple dEurope qui refuse le libéralisme, alors quils nosent pas soumettre leur Constitution au vote de la grande majorité des autres peuples. Dautre part, tenter de nous terroriser en clamant quil ny aura pas de renégociation possible de la Constitution et que la France sera mise au ban de lEurope.
Pauvres gens qui sont incapables de comprendre ce qui est en train de se passer, et que le meeting du Zénith devrait pourtant amener à réfléchir. Car cest là que sest dessinée la semaine dernière, au-delà du coup darrêt du Non, premier « Halte au libéralisme », la voie du redressement politique et social.
Voie qui nest pas « voie royale ». Et même semée des embûches des intérêts mesquins, des crispations sectaires, des timidités et reculs, mais qui est tracée par une volonté de masse, laquelle tendra de plus en plus à pousser en avant.
Une dernière nouvelle éclairante
En ce jour du 14 avril, vraiment riche en événements significatifs, notre Europe « constitutionnelle », dans un vote à la Commission des droits de lhomme des Nations unies, sest docilement pliée à une résolution américaine contre Cuba, et contre divers pays violant les droits de lhomme, mais ne mentionnant ni la Chine, ni la Russie, ni, bien entendu, les Etats-Unis dAmérique qui les respectent si bien de Guantanamo à lIraq et lAfghanistan, sans oublier son propre sol où, rappelons-le, Mumia Abou Jamal (entre autres) est toujours en prison, et oubliant même le Soudan qui continue tranquillement son génocide du Darfour. Cest grâce aux voix européennes que ladite résolution sélective a été votée. Une raison de plus de voter Non, à cette Europe-là !