10 mai 2005

Toute la gauche européenne
nous soutient pour le

NON !

          Tandis que, pour les Ouis-titis, tous les moyens sont bons pour essayer d’enrayer la prise de conscience du sale coup de leur Contitution.

          400 millions d’euros sont pris aux finances publiques, en particulier par des petits cadeaux aux agriculteurs, aux routiers, aux restaurateurs… ( plus des promesses pour après, si vous votez bien, mais dont vous pouvez être sûrs qu’on les oubliera, mais pas les augmentations du gaz et autres qui attendent l’après 29 mai). Quel bel effort pris dans nos poches pour contrer notre campagne populaire financée avec nos pauvres moyens
+ quasi tous les médias et toutes les chaînes de télé (le débat étant « démocratiquement » de 90% pour le oui et 10% pour le Non),
+ l’envoi à tous les électeurs d’un texte illisible par sa masse et incompréhensible par sa construction et son langage, mais précédé du feuillet, qui sera lu par tous, et menteur comme le boniment d’un vendeur de produit miracle pour laver plus blanc tout en réparant vos chaussettes,
+ la grande parade des personnalités, en particulier de ces eurocrates des 25 pays, tous pourvus de titres plus ronflants les uns que les autres (mais avez-vous pensé à ce petit problème de revenus : si un plombier polonais gagne dix fois moins qu’un plombier français, et que la Constitution a prévu que les frontières des salaires resteront sacrées, les eurocrates,eux, ont des très hauts salaires sans frontières).

          Mais comme tout ça pourrait ne pas suffire aux gens qui réclament des explications, la campagne de la peur s’est mise au point :

  • - Si le Non l’emporte, disent ces Ouis-titis - qui, comme Chirac sont devenus soudain de farouches anti-libéraux, terrorisés par les libertés sans mesure de la finance internationale et des multinationales -, vous n’aurez plus les beaux grands principes abstraits de la Constitution, mais restera ce qui est dans la partie III, laquelle reprend tous les traités antérieurs, tous plus libéraux les uns que les autres, en particulier celui de Nice. Argument merveilleux ! Ces traités qu’ils nous ont fait avaler comme meilleurs les uns que les autres, sans nous demander notre avis, ils les dénoncent maintenant. Mais… ils les ont mis dans la Constitution où ce ne sont pas les « grands principes » qui les gêneront ! Et d’autre part, ils oublient que les traités sont tous modifiables, tandis que la Constitution ne l’est pas. Exemple parfait qu’ils nous prennent pour des billes.
    - Plus fort : Si le Non l’emporte, la France se met en dehors de l’Europe. Nous serons réduits à redevenir un pauvre petit pays misérable, montré du doigt par les 24 autres, groupés en une puissante Europe (plus l’OTAN). C’est déjà supposer que nous serons seuls à voter Non, bien qu’on l’attende de plusieurs autres pays, dont les Pays-Bas, comme la France pays fondateur. Mais supposons que nous soyons seuls. La Constitution à la poubelle, tout resterait comme avant : la Grande-Bretagne prendrait la présidence de l’Union, elle qui est dans l’Europe sans être dans la zone euro, est opposé à l’indépendance de la défense européenne et pour le tout OTAN, et dont la démocratie est telle que Blair vient d’y être réélu avec 37% des voix de 60% de son corps électoral, ce qui lui donne une majorité absolue (sic). Tout serait donc pareil. Sauf que notre Non aurait tout changé, et que toute la gauche des peuples qui n’a pas eu le droit de s’exprimer se joindrait à nous pour en faire un départ. Pour une véritable Europe.
    - Mais, hurlent nos ouis-titis, c’est qu’il n’y a pas de re-négociation possible de cette Constitution, pas de « plan B » (comme ils appellent ça) ! C’est même le seul argument que Joshka Fisher a trouvé à opposer à Jean-Luc Mélenchon dans leur débat du Monde du 7 mai : c’est un compromis, cette Constitution, voyez-vous : on ne pourra rien y changer étant donné ce que sont ces pays et leurs gouvernements ! Il faut la voter, et on verra à l’améliorer dans quinze ans ! Parce qu’ils se figurent que ce que nous voulons avec notre Non, en France et dans toute l’Europe, c’est que les mêmes, avec leur Giscard que, pour notre part, nous avons chassé, se remettent au boulot pour changer des virgules ? Non, une Constitution, cela doit être fait par une assemblée constituante, élue dans les 25 pays au suffrage universel proportionnel, selon les mêmes règles partout, et qui élabore une Constitution, pas un fourre-tout où l’économique prime le politique et le social, où les principes de droit les plus avancés s’imposent, et qui soit modifiable si on ne peut aller assez loin dans un premier temps, alors que celle que l’on nous propose ne peut être modifiée que par le haut, et à l’unanimité, soit à la disposition des Etats les plus rétrogrades… Ce que les Ouis-titis (en particulier les socialistes en peau de lapin) s’obstinent à cacher. Révisables furent toutes les Constitutions du passé dans les pays démocratiques. Et s’il n’est pas possible d’imposer immédiatement une Constitution démocratique, il faudra commencer par arracher de nouveaux accords, voire de nouveaux traités européanisant des progrès successifs de l’harmonisation sociale. L’importance du vote Non, c’est précisément de donner un coup d’arrêt à une stabilisation de l’organisation capitaliste libérale de l’Europe, et d’ouvrir la voie à une entrée en force du monde du travail dans la construction d’une véritable Europe, selon notre propre alternative programmatique, proposée au débat des grandes masses du monde du travail.
    - Dernier truc : la victoire du Non serait celle des souverainistes, des fascistes, de Le Pen ! Tous les sondages montrent que le Non qui progresse et domine est celui de la gauche pour une autre Europe que celle du fric . Les Le Pen et les De Villiers le savent d’ailleurs, ce pourquoi ils mettent la pédale douce à leurs propres revendications et reprennent une partie de celles de la gauche contre l’ultra-libéralisme, parce que leur clientèle ordinaire se sait menacée par le grand Capital autant que les travailleurs de la terre (menacés de mort par l’industrie agraire, les OGM, etc.), des entreprises (qui attendent, sinon de pouvoir librement délocaliser en Europe de l’Est, du moins bloquer les salaires et augmenter les temps de travail), des services publics détruits, et autant que les femmes qui savent que capitalisme rime avec patriarcalisme. Une militante m’écrit en me faisant judicieusement observer que c’est la victoire du Oui, qui peut servir l’extrême-droite par la démoralisation des travailleurs et même de la gauche, et que c’est pour cela que la campagne fasciste se fait mollement, et avec des arguments copiés de la gauche.

              Il y a aussi quelques arguments positifs qui valent le détour :
    On a vu ainsi vu apparaître l’argument de la paix. C’est grâce à l’Europe, voyez-vous, que nous n’avons pas eu de nouvelle guerre européenne. On ne s’était pas aperçu que nous avions échappé à… quoi ? Une nouvelle guerre franco-allemande ? Comme si les peuples avaient quelquefois voulu une guerre ! Comme si les dernières n’avaient pas été celles des impérialismes qui se battaient pour le partage du monde à exploiter. Ils ont préféré s’arranger pour exploiter le Tiers Monde en bonne alliance. En revanche, nous ne voyons pas que notre Europe ait empêché les guerres de Yougoslavie, ni la guerre de l’Angleterre dans sa colonie d’Irlande du Nord, ni dans les néo-colonies africaines, ni sa participation à la guerre de l’OTAN dans le Golfe. Par ailleurs notre Europe soutient Sharon dans sa guerre coloniale en Palestine. La paix entre les Etats de l’Union européenne n’a donc pas empêché ses guerres d’impérialismes, ce à quoi s’opposerait une Europe sociale.

                    Un argument contre cette Constitution nous avait échappé. Si les lois du marché (et donc de l’exploitation du travail qu’ils envisagent de pouvoir élever jusqu’à 60 heures) y sont sans entraves et non faussées, applicables par dessus toutes les frontières intérieures, en revanche le droit des travailleurs de se défendre contre l’exploitation est strictement enfermé dans lesdites frontières. Jean Gersin, dans son éditorial d’Impac, organe CGT des travailleurs des industries du livre, du papier et de la communication, signale qu’une grève européenne est rendue impossible par la Constitution du fait que son article III-210 précise que de telles actions parallèles ne s’appliquent « ni au droit d’association, ni au droit de grève… » mais relève des législations nationales.

          Et la culture ? Nous avions signalé que, dans l’appel des Ouis-titis à l’aide des gens de culture, s’étaient fourvoyés, au milieu des réacs ordinaire du genre Finkelraut et des bouffons de Sa Majesté, quelques réelles valeurs qui vieillissent mal, et en particulier un Jacques Le Goff, que je croyais égaré en nostalgie de Chrétienté médiévale. Je me trompais. La leçon de l’Ecole des Annales, c’est la découverte de « l’histoire lente » Et sur cette base, il a expliqué à Télérama que nous devions nous attendre à un vrai Moyen Age néo-libéral : « La loi de l’histoire c’est la lenteur. L’erreur commune à tous les partisans du « non », c’est de vouloir quelque chose qui est irréalisable maintenan. Comment espèrent-t-ils disposer de suite d’un texte constitutionnel fondamentalement social alors que l’ensemble des gouvernements et des électeurs des nations votantes est pour une économie de marché, allant d’un libéralisme affirmé à une social-démocratie prudente. » Il s’est bien perdu dans ses siècles obscurs, et y a perdu en même temps ce qu’il avait su de marxisme, à savoir qu’au-dessus de l’histoire lente, il y a l’histoire événementielle, qui s’est accélérée, et les sauts dialectiques qui en précipitent le cours.

          Un tel saut aura lieu. Surtout si le Non l’emporte. Mais même si par malheur le matraquage médiatique réussirait à lui faire obstacle, cela n’arrêtera pas le front européen du Non qui déjà se dessine avec :

        - l’Appel des 1000 féministes d’Europe (ife-efi@noconstitution.org)
        - l’Appel des 200 Européens (elgauthi@internatif.org)


Le Journal intempestif est heureux
de vous annoncer la parution de


LE TROTSKISME
UNE HISTOIRE SANS FARD

De son rédacteur
Michel Lequenne
Editions Syllepse - 24 Euros

Ledit auteur présentera son œuvre
Le jeudi 26 mai, à 18 h 30
A la Librairie La Brèche
27 rue Taine – Paris 12e