16 août 2005

Triste bilan de fin d’été

          Le monde va mal, très mal, par n’importe quel bout qu’on le prenne, du plus général à notre petite France !

Mémoire et présent de l’arme nucléaire

          Voilà 60 ans qu’eut lieu le plus grand – en espace/temps – crime contre l’humanité : les destructions atomiques de Hiroshima et Nagasaki. Y a-t-il eu repentir mondial, comme pour le record du génocide hitlérien des Juifs ? Pas du tout ! On a même entendu un docte professeur yankee expliquer que, sans ce “ bombardement ” qui a fait céder le Japon, sa défaite aurait encore demandé de longs combats d’un coût d’environ deux millions de morts, dont beaucoup d’Américains, d’où bilan humain comptable positif pour… la démocratie. Mais pourquoi des cibles civiles ? Pourquoi pas les lieux du pouvoir impérial ou militaire ? C’est évident : on ne tue pas ceux avec qui l’on veut traiter ! D’autres voix ont cependant suggéré une autre explication de ce plus hideux massacre de tous les temps : la victoire étant atteinte en Europe, les USA craignaient d’être devancés en Extrême-Orient par les Russes, soit que Staline fasse envahir le Japon, soit qu’il traite seul avec lui. Donc, une sage mesure de précaution contre… le “communisme” !
          A défaut de repentir, quelle leçon à tirer de ce passé ? Le peuple Japonais répond : en finir avec l’arme nucléaire ! Les détenteurs de l’arme suprême de destruction massive ont une autre réponse : empêcher l’Iran et la Corée d’en produire une ! Une caricature du Monde a explicité cette pensée profonde : si les barbus d’Iran ont cette arme, ils s’en serviront. Car il est évident que ni le Pakistan, ni Israël ne se serviront des leurs à l’occasion. Il y a là des gouvernements sérieux et responsables, pas des fous comme les islamistes ! Quant à M. Bush, qui, comme on sait, n’est pas fou, lui a le droit, non seulement de conserver un arsenal atomique capable de détruire cent ou mille fois toute la planète, mais encore de préparer une bombe miniature qui tuerait moins de monde que celle de Hiroshima, et seulement des cibles limitées, choisies dans les zones du Mal, et par ailleurs des bombes à neutron qui ne détruiraient que des êtres vivants.
          Personne parmi nos sages du monde capitaliste impérialiste ne se demande si l’Iran et la Corée, classées dans l’univers du Mal, ont de bonnes raisons de vouloir obtenir une arme qui les placerait en état de dissuasion de ces armes de destruction massive de M. Bush, étant donné que c'est cette dissuasion qui, depuis soixante ans, a empêché les Etats-Unis de se servir de son arsenal contre les révolutions du Tiers Monde.
          Avez-vous entendu quelque part crier : “ Destruction graduelle de toutes les armes nucléaires, jusqu’à leur disparition totale du monde ” ? Non ! Moi non plus. Quelle leçon en tirer ?


Niger

          Pour faire des armes nucléaires, il faut de l’uranium ! Le Niger est le troisième exportateur mondial d’uranium. Et c’est "le groupe français d'Etat Areva qui y est l'actionnaire principal et l'opérateur responsable de l'exploitation, des deux mines du gisement d'Arlit" pour un chiffre d’affaires de cent millions d'euros (Le Canard enchaîné du 8 août). Mais le Niger est aussi un pays qui souffre de désertification, de manque d’eau, plus de pluies de criquets. D’où famine et mort, en particulier de dizaines de milliers d’enfants dont tout le monde a pu voir les atroces images de squelettes ambulants aux regards terrorisés. Pour sauver ceux qui restent encore en vie, la Sainte Communauté Internationale ne s’est guère pressée et continue de traîner en longueur en pleurant quelques millions. A qui ? A la charité publique. Le gouvernement local n’y peut rien. Il est même obligé d’augmenter les impôts pour payer les intérêts de sa dette au FMI ! Et nos industriels d'Etat de l’uranium ont d’autres soucis, plus urgents. Pensez ! Il faut à la France 8 milliards d’euros pour construire une nouvelle génération de sous-marins nucléaires, le M51 capables de tirer jusqu’à 6 000 km, tandis que nos vieux minables de M45 n’ont une portée que de 4500 km ! Ne demandez pas “ Tirer sur qui ? ” A cette distance, nos ennemis potentiels de l’axe du Mal n’ont qu’à bien se tenir ! Quant aux enfants du Niger…


D'autre part, la guerre des monstres se porte bien.

          Certes, les peuples des Etats-Unis commencent à trouver que, pour une “ guerre propre ”, cela commence à faire beaucoup de morts civilisés. Mais Bush n’en a cure. Ils l’ont élu, il fera sa guerre jusqu’au dernier terroriste tué, et au dernier "marine" nécessaire pour cela. Oui, mais, voilà que ces terroristes repoussent au contraire comme champignons après les pluies (de bombes), et qu’ils frappent quand ils veulent, où ils veulent. Et non pas aveuglément, comme le prétendent nos médias, mais méthodiquement : contre les Alliés dont les populations sont très majoritairement hostiles à la guerre, pour les obliger à enlever leurs troupes d’Iraq et à prendre leurs distances avec la politique belliciste bushienne ; en Iraq contre la constitution d’une armée et d’une police irakienne qui permettraient un certain retrait des troupes US et une stabilisation du régime néo-colonial dont s'élabore péniblement la Constitution. La direction saoudienne d’Al Qaïda ne dispose pas des armes de destruction massive de son adversaire, mais d’une seule autre, originale : l’islamisme ! Et, ironie cruelle de la dialectique, c’est son adversaire qui la lui fournit et l’entretient, d’une double façon. D’une part en tapant à tort et à travers dans le monde musulman et en entretenant le racisme de son armée et de sa population, d’autre part en unifiant sous le nom de “ Terrorisme ”, toutes les luttes des peuples musulmans contre leurs oppresseurs. Ils ont réussi ainsi à placer quasi tout l’Islam derrière le drapeau de l’opposition saoudienne de grands seigneurs pétroliers.
          Quant au racisme yankee, il s’est manifesté d’abord dans les incarcérations arbitraires et les humiliations et tortures de Guantanamo. Après deux ans d’emprisonnement hors tout droit de plusieurs centaines de prisonniers, quinze (15 !) sont inculpés, et voilà Bush obligé de renvoyer plus des deux tiers contre lesquels ses sbires n’ont rien pu trouver à reprocher (tels ceux, de nationalité française, renvoyés chez nous, et qu’on n’a réussi à maintenir en détention que pour des délits mineurs). Toutefois, loin de les libérer, ils sont de préférence envoyés dans leurs pays d’origine (comme l’Afghanistan ou l’Arabie Saoudite), où on peut être sûr qu’ils continueront de subir la répression des bons alliés de l’Empire, voire disparaîtront. Même liquidation de l’horrible prison de Bagram en Afghanistan, en repassant le sale boulot à l'Etat fantoche, et du centre de torture Abou Ghraib en Iraq. Mais c’est trop tard. Le mal est fait, d’où la capacité d’Al Qaïda de lever de jeunes musulmans européanisés comme ceux qui se sont fait sauter en Angleterre avec quatre terribles bombes.
          Comment s’en sortir ? Bush ne s’en sortira pas. Il menace au contraire d’élargir la guerre du Moyen-Orient à l’Iran. Son rêve est d’entraîner toute l’Europe dans sa croisade, en une véritable Troisième Guerre mondiale. Et, malheureusement, nous avons dans notre arrière-cour des Sarkozy et des Angela Merkel qui ne demanderaient pas mieux pour se sortir des problèmes intérieurs de l’Europe, sans compter un Sharon qui y trouverait le moyen d’en finir sans la moindre esquisse d'opposition avec la perspective d’un Etat palestinien.


L’Europe en crise

           La droite européenne a perdu son balancier social-libéral. D’un seul coup, le PS français a été mis KO par le Non du 29 juin, et le SPD de Schroeder est sur le carreau, voyant un nouveau parti de gauche (le WASG) sortir de son sein en conséquence de ses contre-réformes. La droite doit donc faire face seule à la montée en puissance d’une nouvelle gauche. Elle le fait en se durcissant.
          Tel est le cas typique, en France, avec un gouvernement à deux tranchants rivalisant en mesures réactionnaires. Sur une face, un Sarkozy qui se vante d’avoir déjà rallié l’électorat du FN par sa politique sécuritaire, avec bavures tolérées, et expulsion massive d’immigrés. Les bombes de Londres ont été, pour ce Le Pen le Petit, une magnifique occurence : alors que la France ne risque rien — étant hors de la guerre d’Iraq —, un déclenchement du plan Vigie-Pirate a tenté (d'ailleurs sans succès) de mettre la population en état d’inquiétude, et autorise la mise d’un contrôle policier universel par voie de surveillance vidéo. La DST s’est permis de violer un domicile, d’arrêter, molester, insulter de simples suspects, qu’elle a dû relâcher. Dans le même temps, Villepin viole le code du travail en autorisant le licenciement sans justification, et entreprend la réduction du chômage par vidage hors des listes, plus obligation des chômeurs à prendre n’importe quel emploi à n’importe quel salaire et n’importe quelles conditions sous peine de radiation.
          Y aura-t-il riposte ? Toute cette canaille compte sur la division de l’opposition de gauche. Nous espérons, dans notre prochain numéro, pouvoir montrer qu’ils se trompent, et que le NON n’était pas un vain cri sans écho.


Le Journal intempestif est heureux
de vous rappeler la parution de


LE TROTSKISME
UNE HISTOIRE SANS FARD

De son rédacteur
Michel Lequenne
Editions Syllepse - 24 Euros