31 août 2005

La grande perspective !

Les universités d’été

Celle du PS

          UNITE ! Il semble qu'à gauche cela ait été le mot d’ordre de toutes les universités d’été de cette année. Mais il ne s’agissait pas partout de la même. Celle du PS jouait dans la division le grand air de l’unité du parti. Mais alors que Rocard et Kouchner avaient annoncé à l’avance qu’ils scissionneraient si le congrès donnait la majorité à la gauche, le bloc Hollande/Strauss-Kahn et C° cherchait désespérément la possibilité d’une unité qui “oublierait” la majorité du Non de ses militants et de ses électeurs. Curieux aveuglement, alors que le spectre de la “ présidentielle ” oppose déjà, d’une part quatre candidats au moins du camp du Oui, Strauss-Kahn, Hollande, Martine Aubry et Jacques Lang, et de l’autre le candidat du Non, Laurent Fabius. Et qui peut croire qu’il ne s’agit que d’une opposition de personnes. Il s’agit déjà de deux programmes opposés : le social-libéral et l’anti-libéral, celui qui lorgne une possible alliance avec d’UDF de Byrou et celui qui désire la sauvegarde de l’unité du Non à l’Europe du Capital. De ce côté, l’aile faible est celle de Montebourg qui voudrait bien un compromis. Le hic est que cela ne pourrait se réaliser qu’au prix de la capitulation d’un côté ou de l’autre. Or, la capitulation de la droite signifierait sa cassure, et le retrait de ses candidats à la présidentielle devant Fabius ; celui de la gauche le désistement de Fabius annulant tous ses risques pris depuis un an et, avec lui, pour tous les courants du Non, le discrédit auprès des masses qui ont fait la victoire du référendum. N’est-il pas clair que c’est impossible.
          De cette analyse, nos lecteurs savent que nous avons fait le pronostic de la scission inévitable d’un PS qui, en tant que tel, est arrivé au terme de sa dégénérescence, et, d’un parti ouvrier-bourgeois est devenu un parti social-libéral, donc de centre droit, donc purement bourgeois, quoique pas encore aussi cyniquement réactionnaire que celui de Blair et de Schröder, mais qui l’est en puissance et le sera demain. Que cette scission ait lieu au prochain congrès ou peu après est secondaire. Elle ne peut qu’avoir lieu, et le plus tôt sera le mieux pour le salut du mouvement de refondation de la gauche actuellement en cours.

Celle d’Attac
          Même souci d’unité à Attac. Même division. Mais là il s’agit d’autre chose. Attac a été tout entier pour le Non. Attac n’est pas un parti, mais une association, hétérogène, regroupant des militants de diverses organisations et des sans organisation, regroupés au départ pour des objectifs très limités. Mais, l’association s'étant nettement située dans le mouvement altermondialisme, sa direction historique, blindée derrière ses statuts, tend à s’en donner comme la direction qu’elle n’est pas (mais que les médias lui accordent, en grand espoir de lui voir stopper le mouvement au stade de la nébuleuse). La base de l’association commence à regimber sérieusement contre cette autorité autoproclamée, et veut que la totale démocratie règne. L’affaire est d’importance, car le rôle d’Attac dans le mouvement du Non a été important, et que, de ce fait, celui qu’elle aura dans l’activité maintenue des comités et collectifs du Non l’est tout autant.

Celle de la LCR
          Occultée par les médias, l’université de la LCR a pu sembler manifester une unanimité parfaite pour l’unité du camp du Non, dont les représentants de toutes les organisations étaient tous présents lors du meeting final, d’Yves Salesse de la Fondation Copernic (origine de l’Appel des 200), à José Bové, de Marie-Georges Buffet à Jean-Luc Mélenchon, et de Francine Bavay, des Verts, à Annick Coupé, de Sud, et à Claire Villier de Convergences alternatives citoyennes. Même si l’objectif de l’élaboration d’un programme d’unité de toutes les composantes n’a pas été présenté par tous dans les mêmes termes et de la même façon, cette idée essentielle à la solidification d’un véritable front commun était évoquée quasi par tous.
          Cependant, c’est à ce meeting même que s’est manifestée la fêlure qui, potentiellement, pourrait briser l’unité du front du Non et… le conduire au désastre. D’un côté, Mélenchon était celui qui ne parlait pas d’une élaboration commune, et en revanche proposait d’emblée Laurent Fabius comme le candidat naturel du camp du Non à la présidentielle ; à l’inverse, et in fine, Olivier Besancenot rejetait Fabius par un “Non, merci !”. Or, si d’un côté Mélenchon refusait nettement toute exclusive de l’extrême gauche, tout en demandant la confirmation de l’accord de celle-ci à une participation gouvernementale d’un front anti-libéral, la réponse de Besancenot, insistant sur les conditions du programme d’un tel gouvernement, celui, précisément, du front du Non, créait une exclusive par son refus de considérer Fabius comme pouvant appartenir à ce front. Une telle fêlure contient potentiellement le risque de l’échec de la création d’un véritable front, par dislocation en chaîne de ses composantes politiques.

Car il y a…

Le piège de l’élection présidentielle

          La Constitution de cette Ve République, instituée par un coup d’Etat légal sous la menace du coup d’Etat militaire d’Alger, est une des plus réactionnaires entre toutes celles des ploutocraties actuelles. Non seulement son système de suffrage majoritaire à deux tours tend à créer de fait un bipartisme à l’américaine, mais son élection présidentielle, à visée présidentialiste, aggravée de façon absolue par Jospin, par son déplacement avant les élections législatives, a conduit, par l’effondrement des deux partis jusque-là majoritaires, au 21 avril 2002, obligeant à un choix entre droite et extrême droite. On sait où cela nous a mené : à une majorité absolue de droite, effaçant, dans le plus total mépris des manifestations et des grèves sectorielles ou limitées, quatre-vingts ans de conquêtes sociales.
          Désormais, la minoration poursuivie de tous les partis (à l’exception probable de l’UMP de Sarkozy), promet pour 2007 une élection en forme du jeu suicide, dit de "la roulette russe". La droite a les plus grande chances de voter Sarkozy, qui rassemble à la fois une grande partie des voix du FN (dont il a repris l'essentiel de la politique) et celles qui votaient Chirac. Il serait sans doute alors le candidat majoritaire. Mais quelle serait le candidat qui pourrait se trouver en deuxième position ? Là, la roulette russe jouera à plein, comme en 2002, s’il n’y a pas un candidat unique du Front de la gauche anti-libérale, seul capable de rassembler les voix du Non.
          La conscience doit être totale qu'il s'agira alors d'un quitte ou double. L'unité sur un programme négocié entre toutes les organisations du Non, et un unique candidat acceptant ce programme, et la victoire du Non est doublée et multipliée. Un tel candidat aurait alors la plus grande chance d'être élu par la majorité du Non. On sortirait de l'alternative des plus ou moins pareils. Ou la division, comme en 2002, avec deux, trois ou quatre candidats de la gauche du Non, et c'est le suicide. La victoire du 29 mai en serait effacée, le mouvement de refondation d'une véritable gauche brisé, la démoralisation disperserait les forces rassemblées devant une victoire de Sarkozy, pire que Chirac, pour un avenir impossible à déterminer.
          Ceux qui prendraient un tel risque le paierait très cher, en nous le faisant payer encore plus cher. Il est donc important d'agiter ce spectre devant tous les responsables de partis et organisations, qui doivent laisser tomber leurs attachements de boutiques, de fauteuils et de volonté d'hégémonie, pour ne regarder que la chance historique, plat que l'histoire risque de ne pas repasser.

          Nous voulons garder l'espoir en l'intelligence de tous.


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Michel Lequenne
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