Tous les clairons des médias sonnent la victoire de Hollande. La belle synthèse, il est vrai ! Quelques rogatons appauvris d'anti-libéralisme fabiusien dans la bonne soupe social-libérale insipide, et voilà de quoi régaler les travailleurs en lutte contre les privatisations ainsi que les exclus des banlieues pour leur donner des muscles contre le Sarkozy chéri du front de la droite et de l'extrême-droite.
Rappelons-en quelques points typiques : les 1500 euros de Fabius
au long de la législature ( soit alors que ce chiffre sera possiblement insuffisant) ; l'annulation de quelques contre-réformes Raffarin-Villepin (mais pas toutes) ; la re-nationalisation d'EDF ("mensonge", disent déjà Kouchner et Chérèque) ; "dissuasion" contre les licenciements (comment ? quelle ? On fera les gros yeux aux patrons qui les font pour des raisons financières ou pour obéir aux actionnaires ?)
On en passe. Mais notons que le rejet de la VIe République de Montebourg n'est pas une bricole : le PS tient à la Ve, corrigée Jospin pour plus de présidentialisme, et à la régionalisation des élections européennes, ensemble qui garantit le bipartisme UMP/PS, en empêchant toute représentation des minorités.
Il n'a fallu que quelques heures de nuit (mais il est vrai qu'il faisait froid, comme l'a dit Emmanuelli), pour que les lions socialistes du Non redeviennent de gentils toutous dressés sur leurs pattes de derrière. On ne nous a montré que le seul Montebourg, amer et isolé.
À vrai dire, il ne l'est sans doute pas autant que les médias se plaisent à le hurler. Trahi par l'essentiel de l'état-major de son courant, 80% de la base, selon Gérard Filoche dans Démocratie socialiste, serait avec lui. Et qu'en est-il des militants que Mélenchon a amenés au camp Fabius ? Il se peut que l'unité de synthèse ne soit pas très solide. Mais elle est faite, et c'est sur ses bases que Hollande va préparer 2007.
En face, la gauche anti-libérale se trouve privée de son aile socialiste. Si, d'un côté, cette gauche réelle se voit délivrée d'un candidat dont le plus grand nombre de ses militants se méfiaient, elle est de l'autre côté menacée d'un effet domino de la capitulation. C'est ce que vise Fabius qui l'a expliqué clairement : il est le seul dirigeant du PS à pouvoir renouer avec le PC, pour une nouvelle union de la gauche toilettée, et ainsi trouver un accord électoral pour 2007 (dont il serait le candidat) sans que le PC apparaisse comme jetant son anti-libéralisme par-dessus bord. Mais il est clair que ce nouveau pari de Fabius a toutes les chances d'être perdu. Déjà Marie-George Buffet estime que, par la synthèse, c'est le PS tout entier qui a fait un pas à gauche, et c'est donc avec sa direction qu'elle va discuter. Mais pour éviter un nouveau 21 avril, il faudrait au moins un candidat commun, qui pour le PS ne peut-être que du PS, qui ne choisira pas Fabius, mais plutôt Hollande, voire Strauss-Kahn. Et le PC devrait accepter ça ! Et pourquoi la masse des votants du Non accepterait-elle une telle capitulation, elle qui n'a pas de postes à sauver ? Sa démoralisation risquerait fort de conduire au second 21 avril, par abstention, ou dispersion des voix sur les candidats que multiplierait automatiquement un tel bloc social-libéral.
Il est clair que si le PC cédait à cet appel de sirène du pur et vieil électoralisme, ce serait un coup possiblement mortel pour la belle unité qui a fait la victoire du 29 mai
Contre le machiavélisme politicien, un nouvel appel, qui n'est pas sans rappeler celui des 200, et qui vire en ce moment vers le millier de signatures, dont celles d'éminents dirigeants de la LCR et des plus clairvoyants dirigeants du PC, pose clairement le seul moyen qui existe encore d'éviter un nouveau désastre du type 21 avril (voir plus grand et plus décisif, dans la mesure où Sarkozy serait encore pire que Chirac, et aurait grandes chances d'être élu même si, contraints et forcés, nous devions voter le moindre mal d'un Strauss-Kahn, voire d'un Bayrou !).
Encore une fois, clamons-le pour que les oreilles volontairement sourdes de certains dirigeants des organisations du front anti-libéral l'entendent : "Nous ne pouvons éviter la défaite, en 2007, et la dispersion qu'elle entraînerait, sans nous présenter avec un candidat unique de la gauche antilibérale, désigné sur la base de l'acceptation du programme dont l'Appel ci-dessous jette les bases. Même si un tel candidat n'accédait pas au deuxième tour de la Présidentielle, il aurait à coup sûr un très large score, base solide pour les élections législatives, et pour être, enfin, une vraie opposition qui assure la victoire des luttes.