26 novembre 2005

Capitulards et trahis !
(plus de "chances" pour un second 21 avril)

          Tous les clairons des médias sonnent la victoire de Hollande. La belle synthèse, il est vrai ! Quelques rogatons appauvris d'anti-libéralisme fabiusien dans la bonne soupe social-libérale insipide, et voilà de quoi régaler les travailleurs en lutte contre les privatisations ainsi que les exclus des banlieues pour leur donner des muscles contre le Sarkozy chéri du front de la droite et de l'extrême-droite.
Rappelons-en quelques points typiques : les 1500 euros de Fabius…au long de la législature ( soit alors que ce chiffre sera possiblement insuffisant) ; l'annulation de quelques contre-réformes Raffarin-Villepin (mais pas toutes) ; la re-nationalisation d'EDF ("mensonge", disent déjà Kouchner et Chérèque) ; "dissuasion" contre les licenciements (comment ? quelle ? On fera les gros yeux aux patrons qui les font pour des raisons financières ou pour obéir aux actionnaires ?)… On en passe. Mais notons que le rejet de la VIe République de Montebourg n'est pas une bricole : le PS tient à la Ve, corrigée Jospin pour plus de présidentialisme, et à la régionalisation des élections européennes, ensemble qui garantit le bipartisme UMP/PS, en empêchant toute représentation des minorités.
          Il n'a fallu que quelques heures de nuit (mais il est vrai qu'il faisait froid, comme l'a dit Emmanuelli), pour que les lions socialistes du Non redeviennent de gentils toutous dressés sur leurs pattes de derrière. On ne nous a montré que le seul Montebourg, amer et isolé.
          À vrai dire, il ne l'est sans doute pas autant que les médias se plaisent à le hurler. Trahi par l'essentiel de l'état-major de son courant, 80% de la base, selon Gérard Filoche dans Démocratie socialiste, serait avec lui. Et qu'en est-il des militants que Mélenchon a amenés au camp Fabius ? Il se peut que l'unité de synthèse ne soit pas très solide. Mais elle est faite, et c'est sur ses bases que Hollande va préparer 2007.
          En face, la gauche anti-libérale se trouve privée de son aile socialiste. Si, d'un côté, cette gauche réelle se voit délivrée d'un candidat dont le plus grand nombre de ses militants se méfiaient, elle est de l'autre côté menacée d'un effet domino de la capitulation. C'est ce que vise Fabius qui l'a expliqué clairement : il est le seul dirigeant du PS à pouvoir renouer avec le PC, pour une nouvelle union de la gauche toilettée, et ainsi trouver un accord électoral pour 2007 (dont il serait le candidat) sans que le PC apparaisse comme jetant son anti-libéralisme par-dessus bord. Mais il est clair que ce nouveau pari de Fabius a toutes les chances d'être perdu. Déjà Marie-George Buffet estime que, par la synthèse, c'est le PS tout entier qui a fait un pas à gauche, et c'est donc avec sa direction qu'elle va discuter. Mais pour éviter un nouveau 21 avril, il faudrait — au moins — un candidat commun, qui pour le PS ne peut-être que du PS, qui ne choisira pas Fabius, mais plutôt Hollande, voire Strauss-Kahn. Et le PC devrait accepter ça ! Et pourquoi la masse des votants du Non accepterait-elle une telle capitulation, elle qui n'a pas de postes à sauver ? Sa démoralisation risquerait fort de conduire au second 21 avril, par abstention, ou dispersion des voix sur les candidats que multiplierait automatiquement un tel bloc social-libéral.
          Il est clair que si le PC cédait à cet appel de sirène du pur et vieil électoralisme, ce serait un coup possiblement mortel pour la belle unité qui a fait la victoire du 29 mai
Contre le machiavélisme politicien, un nouvel appel, qui n'est pas sans rappeler celui des 200, et qui vire en ce moment vers le millier de signatures, dont celles d'éminents dirigeants de la LCR et des plus clairvoyants dirigeants du PC, pose clairement le seul moyen qui existe encore d'éviter un nouveau désastre du type 21 avril (voir plus grand et plus décisif, dans la mesure où Sarkozy serait encore pire que Chirac, et aurait grandes chances d'être élu même si, contraints et forcés, nous devions voter le moindre mal d'un Strauss-Kahn, voire d'un Bayrou !).
          Encore une fois, clamons-le pour que les oreilles volontairement sourdes de certains dirigeants des organisations du front anti-libéral l'entendent : "Nous ne pouvons éviter la défaite, en 2007, et la dispersion qu'elle entraînerait, sans nous présenter avec un candidat unique de la gauche antilibérale, désigné sur la base de l'acceptation du programme dont l'Appel ci-dessous jette les bases. Même si un tel candidat n'accédait pas au deuxième tour de la Présidentielle, il aurait à coup sûr un très large score, base solide pour les élections législatives, et pour être, enfin, une vraie opposition qui assure la victoire des luttes.

APPEL

          Le référendum du 29 mai l’a montré : un refus du libéralisme économique peut produire un mouvement majoritaire et, dans ces conditions, l’ensemble des citoyens retrouve le goût de la politique. Cette victoire de la volonté de transformation sociale sur le discours de l’impuissance a été rendue possible par la campagne unitaire menée par celles et ceux qui, au sein des mouvements, des partis, des associations citoyennes, bousculent depuis dix ans le consensus néolibéral et appellent à de profondes ruptures. C’est pour contrer cette dynamique que le gouvernement pratique une politique ouverte de réaction sociale et d’atteintes aux libertés publiques. C’est pour n’avoir pas pris en compte ces attentes et avoir cédé au social-libéralisme pour les uns, ou s’y être convertis pour les autres, que les gouvernements de gauche ont échoués.
          Le 29 mai a ouvert une possibilité. Elle ne se concrétisera pas si, d’ici 2007, le “ chacun pour soi ” succède au “ tous ensemble ”. Face à une droite arrogante, rien ne serait pire que la dispersion des sensibilités qui préfèrent l’alternative franche à l’alternative molle qui domine la scène politique depuis vingt ans. Beaucoup se sont regroupés autour du Non pour dire cette préférence ; mais beaucoup d’autres partagent cette critique d’un projet de société soumis aux seules logiques économiques et financières. L’aspiration à rassembler est très forte et s’exprime dans les collectifs existants, dans les divers rencontres et forums. Pourtant, les risques d’éparpillement existent, notamment à l’occasion des prochaines échéances électorales.
          Sans mobilisation populaire, sans dynamique citoyenne, aucune alternative ne s’imposera. Il nous faudra agir ensemble et nous mobiliser dans les luttes, en menant avec force le débat avec toutes celles et ceux qui cherchent les voies d’une transformation sociale profonde. En s’appuyant sur l’expérience des collectifs nés de la campagne référendaire et sur les propositions portées par les mobilisations, il est possible d’organiser une vraie co-élaboration associant syndicalistes, politiques, associatifs, chercheurs, animateurs de lieux et revues culturelles, citoyennes et citoyens. Ce travail doit être ouvert à tous, structures organisées et individus. Toutes les formes : forums, rencontres, assises, espaces de luttes, mais aussi manifestations festives et culturelles qui ponctueront ce débat sont bonnes à prendre dès l’instant où elles participent d’une mise en commun.
          Appartenant à tous sans être la propriété de personne, ce débat devra être porteur d’une logique alternative globale en rupture avec le capitalisme libéral et l’ensemble des mesures anti-sociales promulguées par la droite. C’est à cette tâche d’élaboration programmatique commune qu’il faut maintenant nous atteler : renforcer les services publics contre la logique de privatisation qui prévaut depuis vingt ans. Mettre en œuvre des politiques capables de répondre à la mondialisation capitaliste. Légiférer pour interdire les licenciements boursiers, garantir un véritable droit à l’emploi, au salaire, à un revenu pour vivre et à la formation pour toutes et tous, contre les logiques de précarisation et de délocalisations. Pour répondre à la crise écologique, mettre en question nos modes de consommation et de production, profondément inégalitaire, souvent destructeurs de la planète et ne répondant qu’imparfaitement aux besoins sociaux. Affirmer la volonté de protection des biens communs en faisant de l’eau, l’énergie, les transports, les communications, la santé…des services publics. Réquisitionner les logements vides et, pour promouvoir une réelle politique du logement social, mettre en place un service public national du logement. Mettre un terme à la stigmatisation des populations d’origine étrangère, à toutes les discriminations, et promouvoir l’égalité des droits pour toutes et tous. Faire prévaloir une réelle égalité entre les hommes et les femmes. Régulariser massivement les sans papiers. En finir avec le tout-sécuritaire. Mettre la démocratie au cœur du projet et engager, dans ce cadre, un processus de rupture avec les institutions de la Vème République. Faire le choix d’une politique de solidarité et de co-développement avec les peuples du Sud et de l’Est. Faire du désarmement une priorité, s’inscrire en dehors de l’OTAN et entamer la reconversion des moyens militaires au service de la satisfaction des besoins sociaux. Enclencher un authentique processus constituant d’une autre Europe, au service des peuples et des citoyens.
          Seul un rassemblement permettra d’imposer une logique alternative globale à gauche, rompant avec le projet régressif de société et les politiques mises en œuvre par tous les gouvernements depuis plus de vingt ans. Ces choix et les propositions de les concrétiser seront ceux d’un gouvernement soucieux de répondre aux attentes populaires, de faire renaître un espoir à gauche. Ils sont incompatibles avec la participation à un gouvernement placé sous la domination d’une orientation et d’une politique sociales-libérales qui ont conduit aux échecs du passé.
          Dans cette perspective, nous travaillerons à tout mettre en œuvre pour éviter la multiplication des candidatures aux prochaines échéances de 2007 et 2008. Nous faisons le pari que, si nous nous engageons ensemble dans cette dynamique, ce qui nous rapproche l’emportera sur ce qui nous sépare dans les luttes d’aujourd’hui et les élections de demain. Rien n’est plus urgent que d’enclencher ce processus. Alors engageons-le dès maintenant.

Envoyer vos remarques et signatures à : francecollectif@yahoo.fr

26/11/2005


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LE TROTSKISME
UNE HISTOIRE SANS FARD

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Michel Lequenne
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