30 janvier 2006 - Numéro spécial

Leurs campagnes
de mensonges
meurtriers

       Plus la lutte sociale se durcit à l’échelle du monde, plus les puissances impérialistes accusent les coups qu’ils reçoivent en accentuant leurs campagnes idéologiques. Les médias qui sont à 99,9 % à leur solde pilonnent nos crânes de leurs mensonges venimeux. Tous les faits sont par eux changés de sens, les signes de valeurs inversés, leurs adversaires sont amalgamés sous l’étiquette « terrorisme », et leur terrorisme devient « représailles » et « légitime défense »  ;le refus de leur ordre économique du roi Profit devient chaos et utopie. Cette guerre de la pensée tend à dissocier le front anti-capitaliste mondial. Elle est d’autant plus grave que le vocabulaire et les concepts dominants ont fini par s’installer dans les esprits, et sont même parfois adoptés par les dominés, voire par leurs porte-parole. Deux exemples, particulièrement vicieux provoquent ce numéro spécial de notre journal (et retardent notre bilan 2005 promis, ce dont la rédaction s’excuse)  :la victoire du Hamas en Palestine, un discours de Chavez au Venezuela.

Palestine. Confondant encore une fois les sondages, la victoire du Hamas dans les élections législatives palestiniennes n’a pas eu de quoi étonner un marxiste  : c’était fort évidemment la récolte de ce qu’avait semé le terrorisme israélien. Chaque attentat ciblé contre un dirigeant du Hamas a renforcé cette organisation, chaque représailles, à raison de dix morts pour un, chaque immeuble détruit, chaque fragment du Mur de la Honte saccageant un verger d’olivier et coupant un village de ses terres, chaque humiliation, chaque sans travail de plus faisait basculer des électeurs potentiels du Fatah - qui disait de patienter -, vers le Hamas.
Mais cette évidence, où elle est-elle dans nos merdias ? Unanimes, ils ont leur petite explication de spécialistes savants  :les Palestiniens ont voté Hamas contre un Fatah corrompu. C’est donc une affaire entre Palestiniens dont les Israéliens ne sont en rien responsables, eux qui ont tout fait pour écraser cette « vermine », et ont ainsi aidé le Fatah avec qui ils recherchent si activement la paix pour les décennies futures. Même que Sharogne a évacué Gaza où les Palestiniens auraient tort de se plaindre d’être sans travail puisqu’il a tout laissé en ruines à relever, y compris celles de l’aéroport… mais qui a besoin d’une autorisation israélienne pour être reconstruit.
Conséquence de la belle explication commune à Mister Bush et à notre chère Union européenne  :comme le Hamas reste une organisation terroriste malgré une élection parfaitement régulière, s’il veut qu’on lui paie l’aide promise à la Palestine, il doit renoncer à la violence, se désarmer et reconnaître Israël. Mais Israël, on ne lui demande pas de renoncer à son terrorisme, d’évacuer la Palestine, de cesser ses implantations de colonies en territoire palestinien et de détruire celles qui y sont, d’abattre son Mur et de reconnaître un Etat palestinien immédiatement ?
Non  !N’est terroriste que les organisations et Etats qui sont sur la liste de Mister Bush, liste que notre Union européenne, bien obéissante, a accepté sans broncher. Le Hamas, comme l’Iran, sont dûment catalogués « terroristes », et il n’y a pas à revenir là-dessus, du moins tant qu’ils ne se soumettront pas à la loi de Mister Bush, du Capital et de Dieu (le vrai  !celui des précédents et du pape).
Et tiens  !à propos de l’Iran, le projet de Sharogne d’aller bombarder ses sites nucléaires ? Ne craignez rien, son successeur actuel en est partisan de longue date et y pourvoira le cas échéant. Et comme Israël n’est pas un Etat terroriste, sa condamnation par la Communauté Internationale tout entière sera ferme, mais dosée  :on lui fera les gros yeux.
La défense de la Palestine va devenir plus difficile contre une offensive impérialiste plus acharnée dans la contre-information. Mais ce sera aussi une question où les positions authentiquement de gauche se distingueront clairement de celles des pro-impérialistes plus ou moins voilés.

Amérique latine. Chavez est en passe de devenir l’ennemi n° 1 de Bush, donc de l’impérialisme américain et donc, avec des temps de retard et des bémols de nos cher dirigeants européens. Déjà nos merdias ont préparé le terrain. Voilà des années qu’ils traitaient Chavez de dictateur. Malheur  !Il est réélu à chaque fois avec des majorités plus fortes. Démago, Va  !Figurez-vous que ce salaud d’Indien se sert de l’argent du pétrole vénézuélien pour alphabétiser et servir de mille façons la population pauvre, au lieu de continuer à enrichir les riches pétroliers. Et maintenant, grâce à l’argent de ce pétrole, il tente d’exporter sa révolution pacifique, et va jusqu’à échanger du pétrole contre des médecins avec Cuba  !D’où une alliance avec l’autre Indien, celui de la Bolivie, Moralès, qui lui aussi ose penser que le gaz bolivien appartient aux masses indiennes boliviennes, et pas, de droit capitaliste, aux pétroliers internationaux  !Sans compter que ledit Moralès est un défenseur de la production ancestrale du coca, et que Mister Bush, qui ne connaît que la cocaïne, ignore que, comme le Coca-Cola, cela peut servir aussi de pseudo nourriture à un peuple qui crève la dale.
Que faire contre de tels mecs ? Pour Moralès, ils attendent. Avec l’espoir que ça ne va pas marcher, que, d’une façon ou d’une autre, il va se foutre par terre. Pour Chavez, ils ont cru trouver un truc formidable pour tenter de le discréditer devant la gauche européenne  :Chavez est un antisémite  !Terrible  !Ils ont trouvé dans un de ses discours à son peuple que leurs ennemis étaient les descendants de ceux qui ont crucifié Jésus. Donc les Juifs  !Le fait que le propos était suivi de la dénonciation des descendants de ceux qui ont martyrisé Bolivar, qui n’avaient rien de sémites, est négligeable pour nos justiciers. Les défenseurs maladroits de Chavez qui ont répondu que c’étaient les Romains, et non les Juifs, qui avaient crucifié Jésus, connaissaient mal l’Histoire sainte. Chavez, qui n’est peut-être plus chrétien, mais qui a sûrement su son catéchisme, a bien visé les Juifs selon l’enseignement de l’Eglise qui, dans cette partie du monde, a réussi à acculturer les Indiens de longue date en leur expliquant que Jésus était le défenseur des pauvres, et donc que ceux qui l’ont crucifié étaient les riches. C’est d’ailleurs pour cela que, par un bon effet dialectique, c’est en Amérique latine que s’est développé une théologie de la libération, condamnée par notre saint Père le pape Jean-Paul II, ami de tous les dictateurs locaux. Voilà comment un petit accroc de vieil antisémitisme catholique s’est glissé dans le discours de Chavez, qui n’a pas comme nous constamment à la mémoire le génocide hitlérien, mais qui doit penser souvent au martyr du peuple palestinien, sous le joug de cet Etat sioniste, lequel pratique lui-même l’amalgame juif-sionisme-Israël pour couvrir ses turpitudes.
Là, la manœuvre fielleuse a déjà fait long feu. On estime trop Chavez dans notre gauche pour être victime de cette opération. Mais, elle nous prévient. Il y en aura d’autres.

30 janvier 2006


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Michel Lequenne
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