27 février 200 6

Problèmes de terrorisme
Problèmes de démocratie

      Chacun le sait, Israël est une démocratie, et le Hamas une organisation terroriste !
     Oui ! Mais… le Hamas accède au pouvoir en Palestine, élu démocratiquement avec une majorité honorable. Cela devrait ravir le cœur de M. Bush dont le plan « Proche Orient » consistait à voir des régimes démocratiques dans toute la région. Oui ! Mais… le Hamas reste sur la liste des « organisations terroristes ». Par gentillesse, nos Eurocrates lui demandent de renoncer à la violence. Il n’a pas répondu, mais, depuis son élection, pas un attentat de sa part.
     En revanche, la semaine dernière a vu Israël donner une « riposte mesurée » - pour reprendre les mots du Monde - aux « premiers pas du Hamas ». Ne reparlons pas du blocage des taxes qui appartiennent aux Palestiniens. Ce n’est qu’un détail. La vraie « riposte mesurée », ce sont les dix assassinats de la semaine. Directement dans le camp de réfugiés de Belata, à Naplouse, en Cisjordanie occupée, le mardi 21 : 3 d’un coup (« pour neutraliser un réseau terroriste » supposé) ; le jeudi 23 : 5 dont 3 membres des Brigades des Martyrs d’Al-Aqsa… du Fatah ; le vendredi 24 : 2 qui tentaient de s’infiltrer en Israël. Pourquoi faire ? « Pour poser une bombe » qu’ils n’avaient pas. En fait, ils cherchaient du travail. Oui ! Mais… cela répondait à des tirs de roquettes… Artisanales les roquettes, qui n’ont tué personne et n’ont même pas fait de dégâts sensibles.
     Non ! Non ! Ce n’est pas du terrorisme que ces assassinats ciblés et tirs à vue. Même pas de la provocation ! de la « riposte modérée ». À quoi ? À la démocratie ? Condoleeza Rice en a appelé aux États arabes pour isoler ce Hamas scandaleux. Malheureusement, elle est tombée sur un bec. Même de la part de sa chère Arabie Saoudite, pourtant si « antiterroriste » et si politiquement correcte en fait de démocratie  ! C’est à désespérer !
Tout cela ne prouve-t-il pas qu’on ne doit pas laisser la démocratie à la merci des peuples ?
     Voyez Haïti ! On les laisse voter. Ils élisent Préval, qui fut second d’Aristide. On a bien essayé d’arranger le premier tour en vidant des urnes aux ordures et autres moyens de corrections chères aux régimes amis des États-Unis. Rien à faire ! Il a fallu reconnaître que Préval avait obtenu la majorité absolue dès le premier tour.
     Au moins, en Egypte, on recule les élections municipales pour que les Frères musulmans n’y emportent pas la majorité, et en préparer qui évitent cet inconvénient.
     Une idée pour éviter ce système archaïque, avec urnes et présence des opposants au dépouillement : que les États-Unis exportent partout les machines à voter, avec logiciels concoctés par des informaticiens politiquement corrects, et sans contrôle possible. Ou bien remplacer les élections par des sondages d’opinion. Ainsi entrerait-on dans la vraie démocratie libérale postmoderne.
     Une autre voie est celle où s’est engagée notre Europe : celle d’un Parlement qui n’est, comme celui de notre vieille monarchie absolue, qu’une chambre d’enregistrement dont les débats et récriminations sont privés de toute portée, tandis que le pouvoir réel est entre les mains de gens pas élus, mais d’un sérieux absolu, comme ce bon M. Bolkestein, l’homme qui préfère pour sa résidence secondaire en France un plombier polonais docile et à bon prix à un plombier français ruineux, et qui veut que cela puisse se généraliser. Sa directive désormais fameuse a été « corrigée » pour éviter les grognements parlementaires, selon le principe des « compromis » : on garde l’essentiel et on enlève des bricoles sans importances, et ainsi votée (mais en première lecture) par un Parlement arrangeant, y compris le groupe social-libéral européen (avec notre Rocard, mais sans le reste du PS français qui songe à ne pas trop se mouiller avant les « présidentielles »).
     De toute façon, la démocratie européenne n’empêche pas que, votée ou pas, les principes Bolkestein ne s’appliquent déjà. Le président polonais Lech Kaczynski (vous savez, celui qui est contre le libéralisme européen, parce que pas assez à droite, et qui s’appuie sur les néo-fascistes et intégristes cathos de son pays) est venu demander à Chirac et Villepin d’autoriser la « libre circulation des travailleurs », naturellement à libre salaire (celui d’origine, par exemple) selon la morale libérale Bolkestein. Mais Cher Monsieur, cela se pratique déjà, et selon une solution astucieuse qui a laissé des cégétistes le bec dans l’eau : leur salaire polonais leur est versé en Pologne, dix fois inférieur à celui de France, où ils touchent « en plus » une indemnité. Jadis, les « jaunes » étaient mieux payés. Mais ces Polonais ne sont pas des jaunes, seulement des pauvres à la conscience limitée. Tout le monde du travail doit donc être en alerte : pour le contrôle et l’intervention sur tous chantiers, entreprises, services où l’on importe des travailleurs à prix de misère, pour les informer de l’exploitation dont ils sont l’objet et les aider à exiger des salaires et des avantages sociaux égaux aux nôtres.

     Cela ! c’est notre notion de la démocratie ouvrière. Attendons-nous à ce que les libéraux appellent cela du terrorisme !.

27 février 2006

Le Journal intempestif est heureux
de vous rappeler la parution de


LE TROTSKISME
UNE HISTOIRE SANS FARD

De son rédacteur
Michel Lequenne
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