4 avril 2006
nouvelle grande journée de lutte

Du CPE aux OPAs
les mercenaires politiques du Capital
ont bien des misères

      Malgré certaines apparences, le monde capitaliste va mal. Il croule sous les profits, mais en même temps sous ses contradictions.

      Voyez cette histoire du CPE ! D’un côté, ils font semblant de ne pas comprendre. Une bonne réforme ! Petite d’ailleurs, dans la foulée des précédentes, et avant d’autres… pour l’égalité des chances de devenir précaire ou chômeur, pour que les patrons puissent embaucher des jeunes, sans être obligés de les garder et sans justifier leur licenciement, et sans précision d’un minimum salarial de ces contrats, afin, ainsi, de diminuer les chiffres du chômage, à la manière dont on le fait chez MM. Blair et Bush. Pourquoi crier tant !

      Ils le savent tout de même, d’ailleurs : c’est ce sacré « modèle social français », archaïque, issue d’une lutte de classes qui n’existe plus, du refus des compromis (« d’un côté je gagne, mais de l’autre tu perds, et on signe ») ; du refus aussi de la modernité.

IL N’Y A PAS D’AUTRE SOLUTION QUE
LE LIBÉRALISME !

            Mettez-vous bien ça dans la tête ! Et d’ailleurs, l’opposition (la vraie, la « respectueuse ») en est bien d’accord, de M. Blair à M. Schröder et à Mme Ségolène Royal. C’est d’ailleurs pour ça qu’ils ont voté « oui » au référendum. Autrement, c’est le chaos, le terrorisme, pire… le communisme, dont l’idéologie totalitaire criminelle conduit à la misère et à l’esclavage.

            Comment est-il possible que la jeunesse, et derrière elle leurs parents et grands parents ne comprennent pas ça ?

      Soit ! Il faut l’admettre : le CPE, et l’équivalent pour tout le monde demain, c’est la précarité pour tout le monde. Mais Mme Parisot, du MEDEF, nous l’a bien dit, traduit de l’anglais de M. Seillière : « La précarité, c’est la loi naturelle du monde ». Elle a appris ça d’ailleurs dans le vieux « darwinisme social » (Pardon pour Darwin qui n’y pouvait rien) : c’est la lutte pour la vie. Que le meilleur gagne, et que l’autre crève ! Tout le monde peut pas être patron, ni cadre ! Il y a toujours eu, et il y aura toujours un haut et un bas, des riches et des pauvres. Des « méritants » et des « traine-savates ». Et il faut en baver pour réussir… ou échouer ! Ce ne serait pas normal que les élites que nous sommes se privent pour que vous vous les rouliez au-delà de 35 petites heures de travail plus payées que les 48 du plombier polonais de M. Bolkestein !

      Et nous y voilà à l’Europe. Elle est scandalisée l’Europe (celle qui compte, celle des Eurocrates de Bruxelles, Strasbourg et autres hauts lieux). Cette Europe, elle ne comprend pas cette France, celle de ces millions de protestataires qui refusent que leur précarité permette aux profits de progresser, de croître dans la croissance (vous savez ?). C’est d’ailleurs depuis 1789 qu’elle ne la comprend pas, l’Europe, cette France, mauvais exemple pour les peuples, avec ses utopies de vraie liberté, de véritable égalité et de réelle fraternité. De la pure poésie ! Déjà, en ce vieux temps, il avait fallu faire la Sainte Alliance contre elle : l’Union européenne de l’époque ! Le réalisme, maintenant, c’est que les capitaux européens ne flanchent pas devant ceux d’ailleurs.

      Et là, il y a de gros problèmes dans le monde du Capital.
      Les multinationales n’ont pas de patrie, mais les actionnaires sont en concurrence les uns avec les autres, et ils sont logés dans des entreprises et des sociétés de pays différents. Ceux d’Europe se sont efforcés de faire bloc dans leur Union pour peser face aux autres blocs. Et voilà que cela grince de tous les côtés.

      L’idéal du libéralisme (son utopie, en fait), c’était d’imposer au monde entier le fameux marché libre et sa libre concurrence. Et, d’une certaine façon, cela a été une réussite quasi parfaite, en écrasant les faibles (voir l’affaire de l’Argentine), et en appauvrissant, jusqu’aux famines les trois quarts du monde. Mais le pire sort de cette perfection. Voilà-t-il pas que les nations-continents, avec leurs prolétariats aux salaires de misère, ployés sous des férules d’Etats policiers et de régimes d’accumulation primitive, deviennent des concurrents qui menacent d’être très bientôt économiquement plus puissants que les grands impérialismes encore dominants.

      Ne vient-on pas de voir Bush, précédé par Chirac, se précipiter en Inde pour offrir chacun son industrie nucléaire, aveugles volontaires à un progrès qui les dépassera bientôt. Dans ce pays où les ouvriers qualifiés gagnent 80 E par mois (mais où, il est vrai, un jean de qualité coûte 3,50 E), et où un millier de chercheurs médicaux ont un salaire inférieur de moitié à celui des Occidentaux, l’Inde est sur le point d’atteindre la puissance chinoise qui n’importe des techniques à haut prix que pour bientôt les dépasser..

      Et voilà nos ultra-libéraux obligés de pratiquer des mesures anti-libérales contre les produits qui les envahissent et ruinent des pans entiers de leurs industries. Ce n’est pourtant qu’un petit début. Il est loin le temps où ces pays, à régimes de type plus ou moins néo-colonial, se contentaient de vendre des matières premières et des produits demi-finis. Et ce n’est pas la pseudo-révolution informatique qui va arranger les choses. Au contraire. Les nouveaux courent devant et plus vite que le vieux monde.

      Alors ? Contrôler l’énergie encore principale : le pétrole. Mais là encore, tout va à l’envers. D’une part les plus grands pays pétroliers sont devenus de ce fait, eux aussi, des grandes puissances : de l’Arabie Saoudite exigeante, et où l’opposition s’appelle Ben Laden, au Venezuela où un pouvoir populaire, installé solidement, re-nationalise ses puits ; de la Russie, qui s’efforce de rattraper son retard et le terrain perdu de l’empire, à l’Iran, tigre dont il est risqué de tirer la queue. Le coup génial des "armes de destructions massives" de Saddam, qui devait permettre à Bush de contrôler directement le pétrole de l’Irak, et ainsi de pouvoir jouer sa partition propre dans le concert pétrolier du Proche-Orient, et donc du monde, a connu le succès que l’on sait. À 6,8 milliards de $ par jour pour la guerre d’Irak seule, l’impérialisme américain est dans une mauvaise passe quant à sa réalisation rêvée de la domination du monde.

      Et notre petite notre Europe, là-dedans ? Là aussi la politique économique libérale joue de sacrés tours à nos dominants tellement europhiles lors du référendum. La bienheureuse libre concurrence, dont la logique (opposée à l’illogisme des lois anti-trusts censés la limiter), est de constituer des oligopoles européens géants, en route vers des monopoles mondiaux, voit les grands groupes nationaux menacés par des OPAs "inamicales" se réfugier frileusement dans les bras de leurs Etats qui, de leur côté, craignent de voir s’effondrer leurs bases sociales et en redeviennent patriotes. D’un seul coup, une directive européenne, votée le 21 avril 2004, et qui ne laisse à une entreprise européenne, pour s’opposer à une OPA hostile, que le recours obligé à ses actionnaires (qui eux ne pensent qu'à leur plus de fric), met les Etats dans le plus grand risque d’avoir à s’opposer à l’Union et au pouvoir sacré de la « Commission » , placée hors toute démocratie.

      Ainsi voit-on la France se dépêcher de fusionner son (en principe) monopole d’Etat, Arcelor à Suez, dont l’italien Enel ne renonce pas encore à s’emparer, hurlant à la trahison tandis que M. Barroso dénonce le nationalisme français. Un cran en dessous, le groupe de Travaux publics Eiffage, qui va devenir propriétaire de nos autoroutes, se hérisse devant les envies de fusion de la société espagnole Sacyr. Mais pire encore : n’était-ce pas un Indien, Mittal, qui s’est trouvé en état de s’emparer d’Arcelor ? Que cet Indien soit le maître d’une multinationale logée au Luxembourg (cet éminent et grand Etat financier européen), et que son libéralisme ait été au-dessus de tout soupçon, n’empêcha pas le rappel de la nationalité et de la couleur de la peau du propriétaire par nos libéraux nationaux, nationalistes à cette occasion, et qui se virent dans l’obligation de promettre à leurs actionnaires (soupçonnés de peu de patriotisme), d’augmenter leurs dividendes, même au prix d’un endettement. Un meilleur argument aurait été le rappel des origines de la fortune de M Mittal, champion du rachat d’entreprises pour des clopinettes et de surexploitation de prolétariats divers. Mais cela n’est pas un argument libéral, au contraire, et seuls les syndicats ont vu se profiler ce qui les attendait : des licenciements.

      Même problème avec le groupe allemand de l’électricité et du gaz E.ON se proposant d’acheter l’espagnol Endessa, et qui voit le gouvernement espagnol s’y opposer et préférer une union nationale avec Gas Natural, qui propose une OPA hostile à… l'entreprise compatriote.

      Que ce soit entre nationaux, entre européens, ou avec des étrangers, pour les travailleurs toutes les fusions signifient licenciements et délocalisations. Et tranquillement, nos eurocrates préparent un peu de pommade pour les faire passer : 500 millions d’euros (mais pas avant 2007) pour ceux qui en seront victimes, et non pas selon leurs besoins, mais en fonction des éventuelles "incidences négatives importantes sur l’économie régionale ou locale".

      Nous voilà loin du CPE ? Pas du tout !

      Avec le CPE La jeunesse de France a compris qu’on la condamnait à la précarité. Les parents ont compris qu’ils en seraient doublement frappés par la nécessité de partager la misère des jeunes et par la pression sur leurs propres salaires d’une main-d’œuvre précarisée (qui pèse déjà, non seulement dans les entreprises privées, mais même dans les administrations). Les grands-parents, dont les retraites diminuent de pouvoir d’achat d’année en année, ont compris qu’il n’y aurait jamais de rattrapage, mais d’une constante dégradation que rejoindront les retraites futures des précarisés, avec, dès aujourd’hui, la poire pour la soif de CDE (Contrat dernière embauche) à b&s prix.. Tous ont compris que l’acharnement du gouvernement UMP était beaucoup plus qu’une affaire de rivalité des leaders, Sarkozy s’apprêtant maintenant à tenter de faire passer en douce ce que Villepin a manqué de faire passer en force. Tous ont compris qu’il s’agissait d’une mesure de marche vers l’homogénéisation du prix du travail européen (la droite suédoise propose un CPE suédois), destiné au maintien et à l’augmentation des profits.

      Le libéralisme est un tout. C’est le Capital, malgré tous ses heurts internes, uni contre le monde du travail, contre la masse de l’humanité. L’altermondialisme réalise, dans nos conditions présentes, le mot d’ordre de L’Internationale de Marx et Engels : « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! »

      À l’heure où ce journal s’écrit, nul ne sait comment cela va finir. L’ultimatum du Villepin s’est changé en la prestation ubuesque de la célèbre marionnette Chirac. Un chef-d’œuvre du genre : la promulgation d’une loi qui ne doit pas être appliquée. Balle saisie avec ravissement par le Naboléon Sarkozy, président de l’UbuMP : remettre en discussion une proposition intangible, tombée de la décision d’un Président aussi infaillible qu’un pape !
Que cela n’ait que le sens de donner du temps au pourrissement, à l’effilochage du mouvement, c’est évidemment ce qui clair, sous la couche de vase de la surface.

      Cela s’oppose à la radicalité d’une jeunesse dont la conscience s’élève chaque jour dans les débats qui scandent l’action. Mais, il est vrai qu’il y a des planches peu sûres parmi les alliées. Cette CFDT qui a signé la contre-réforme des retraites. Certes, elle a très peur de s’effondrer si elle trahit encore une fois. Mais elle espère encore qu’on lui ouvrira une porte de sortie, ou que les autres Confédérations baissent aussi un peu les bras. Certes, le PS espère se refaire une santé à pas cher, en gauchissant les mots et en remuant fort les bras. Mais il lui faut bien cacher sa Ségolène Blair-Royal, et ces jeunes ont une sacrée lucidité.

      Comme il en va de toutes les luttes qui opposent des intérêts inconciliables, l’issue immédiate ne peut qu’être incertaine. Mais ce n’est qu’une bataille. La guerre va continuer.

      Et là, c’est la responsabilité de la gauche antilibérale qui est en jeu. Si elle n’est pas digne de la jeunesse qui se bat aujourd’hui, si elle n’est pas capable de se rassembler derrière un ou une candidate unique au premier tour de la Présidentielle de l’an prochain, elle se trouvera au second tour en bien fâcheuse position.


UN CADEAU IDEOLOGIQUE
DE LA POLOGNE A L’EUROPE

      Le gros catho réac, Kazimierz Marcinskiewicz, qui sert de premier ministre à la Pologne arriérée dont vient d’hériter notre Europe, la récompense par un beau cadeau idéologique, potentiellement très utile en ces temps où souffle un vent d’Ouest antilibéral : un procès contre le général stalinien Jaruzelski, pour crime communiste ! Astucieux, n’est-ce pas ? Pourquoi pas « crime marxiste », voire « crime socialiste », ou « crime antilibéral ». Ce sera pour la prochaine fois.


NE PAS OUBLIER MUMIA !

      La justice américaine existe-t-elle ? On va peut-être le savoir. Voilà vingt-quatre ans que Mumia Abu Jamal est en prison, dont de longues années dans le couloir de la mort, condamné (en particulier sur de faux témoignages sur lesquels les témoins sont revenus) pour un crime qu’il n’a pas commis, mais des policiers ripoux qui avaient monté contre lui cette provocation, l’énième, pour son véritable crime de défense des Noirs.

      La Cour d’appel fédérale des Etats-Unis accepte enfin de considérer certains arguments de la défense et d’entendre les requêtes portant sur « les droits bafoués de l’accusé, le choix des jurés et la légalité des procédures. » Mais le Collectif unitaire national de soutien nous prévient que « l’expérience montre que la plus grande vigilance s’impose » et que « Cette décision de la cour ne préjuge bien évidemment pas de sa décision finale. ». Il rappelle aussi que « sans argent il y a vraiment très peu d’espoir d’échapper à l’exécution aux Etats-Unis » et que le coût moyen de « ceux qui ont sauvé leur peau » équivaut à trois millions d’euros.

      Comme c’est beau la Justice de la plus grande démocratie, si sourcilleuse sur la lutte pour la libération des prisonniers politiques… ailleurs ! On va voir ce qu’elle vaut !

      L’enjeu de la souscription actuelle est de 100 000 euros.

SOUSCRIVEZ !

Chèques à l’ordre de « Mrap solidarité Mumia » , à envoyer au :
Mrap, 43, bd de Magenta, 75010 Paris.

Pour en savoir plus : www.mumiabujamal.net

Pour écrire à Mumia (en anglais) :
Mumia Abu-Jamal,
AM # 8335
SCI Greene
175 Progress Drive
Waynesburg PA
15370 8090
USA

4 avril 2006

Le Journal intempestif est heureux
de vous rappeler la parution de


LE TROTSKISME
UNE HISTOIRE SANS FARD

De son rédacteur
Michel Lequenne
Editions Syllepse - 24 Euros