18 avril 2006

Leçons d’une victoire

      C’est eux qui ont dû céder ! Et en tirant une pâle gueule ! Aussi bien l’Inflexible, retourné comme une crêpe, le Vieux Roublard qui n’arrive plus à tricher sans que ça se voie, et le Petit Malin, coincé dans le système, et qui fait semblant de n’y avoir été pour rien, croyant encore pouvoir tirer les marrons du feu.

      Une vraie claque dans leur museau, qui en fait rigoler leurs copains Eurocrates, mais jaune, parce que, tout de même, ce CPE, c’était une application des accords de Lisbonne.

      Un beau doublé du 29 mai 2005, joué sur un autre terrain, avec d’autres moyens, mais de même sens. Bien ressenti comme tel par lesdits Eurocrates qui voient leurs propres jeunesses, leur propres peuples, en prendre de la graine.

      Mais attention ! de même que, l’an dernier, dès le lendemain du 29 mai, bien que privés de la Constitution qui leur aurait permis de nous imposer CPE et «  Egalité des chances (de précarité) », depuis Bruxelles, ils n’en sont pas moins passés à en réaliser tout doucement le contenu ; de même, bien retranché dans l’institution de leur 5e République de coup d’Etat, nos guignols de l’Info se sont précipités pour voter leur loi, seulement tuméfiée, et qu’ils vont essayer maintenant de glisser doucement, sans faire de vagues, vers 2007 dans l’espoir de s’en tirer via le piège de l’élection présidentielle.

      Car le CPE, préparant le Contrat unique, et remontant l’histoire du droit du travail en deçà de 1936, ce fut la goutte d’eau qui fit déborder le vase. Ce qu’ils n’avaient pas prévu. Mais la belle révolte de la jeunesse, elle, commençait tout juste hier à découvrir la totalité du pot eux roses, à plonger le regard dans la profondeur abyssale du dit libéralisme, et elle ne pouvait compter, pour lui en apprendre plus qu’elle ne savait, sur quasi tous les grands alliés qui se sont précipités derrière elle pour ne pas se déconsidérer. Ni, bien sûr, sur le bon M. Chérèque de la CFDT, qui signa en traître la contre-réforme des retraites, et respire maintenant de pouvoir revenir à n’importe quelle table de négociations qu’on voudra bien lui offrir ; ni, et encore moins, sur le parti de la bonne Mme Ségolène Blair-royal qui, s’il revient au pouvoir, nous mitonnera des sauces capables de nous faire avaler le plat un peu amer de la précarité sans que nous nous en apercevions.

      Doute-t-on de ce dernier point ? Le challenger de Mme S.Blair, M. Jospin, l’homme des 35 heures à la sauce Seillière, qui, par ce social-libéralisme, a fait perdre les élections à sa gauche plurielle, s’est exprimé sur le CPE dans Le Monde du 8 avril. Que lui reproche-t-il au CPE ? Pas d’exister : d’être mal conçu et mal conduit. Et comme il n’y oppose aucune alternative, proposée dans son titre, on peut donc en conclure que, lui, l’aurait conçu avec beaucoup plus de ruse, et l’aurait conduit plus finement, en le faisant avaliser d’abord par les syndicats à la botte dans des négociations tortueuses en petit comité, où celui qui tient le manche fini toujours par faire avaler le morceau principal à une opposition respectueuse.

      Ces négociations là, voyez-vous, c’est ce que les Eurocrates se désolent que les Français ne s’y abandonnent pas, par manque d’habitude et goût arriéré de la lutte de classes (comme s’il y avait encore des classes ! elles sont même supprimées dans le métro), et s’accrochent à un «  radicalisme conservateur » (ou à un «  conservatisme radical », car c’est là une notion qui me reste un peu obscure), comme l’explique, dans Le Monde du 9-10/4, M. Magnette de l’Institut d’études européennes à l’Université libre de Bruxelles (vous m’en direz tant !). Quant à M. Chris Patten, chancelier de l’université d’Oxford (celui-là est donc encore plus savantissime), dans le même journal, le 8, il trouve que : «  Le manque d’esprit d’aventure des Français est assez déprimant. » Non ! Non ! ne vous écriez pas que pour l’aventure, cette grève de toute la jeunesse fut une assez belle aventure ! La vraie aventure, voyez-vous, c’est d’affronter hardiment la précarité. Osez ! Et de stages non payés en petits boulots mal payés, vous finirez tous bien, ayant entre-temps attrapé un bac+5, par trouver une entreprise à laquelle vous vous consacrerez 48 ou 60 heures par semaine (magnifique aventure !) pour fournir à ses actionnaires des Fonds de pensions des bénefs de 15% minimum, et vous aurez contribué à ce que l’Europe tienne tête à l’Inde de Mittal, dont les ouvriers vivent l’aventure de gagner dix fois moins que vous en travaillant encore plus, et s’en trouvent bien. M. Chris Patten sait de quoi il parle. S’il avait eu le temps, il vous aurait raconté comment il sort d’un parcours de ce genre.
      Et puisque Mme Royale Blair Ségolène (dont ledit Monde fait la campagne électorale d’arrache-pied, en se disant qu’elle finira peut-être par avoir plus de chance que Sarkozy à la loterie truquée de 2007) ne rêve que d’Angleterre, comme son nom l’indique, le 6 du mois, deux patrons français installés à Londres (tiens ! pourquoi ?) nous expliquaient, toujours dans notre quotidien préféré, les mérites du système anglais. A vrai dire, pas un mot sur les raisons qui font qu’il y a moins de chômage. Pas question de précarité dans ce pays, de la fluidité. Et de s’étaler sur les facilités de licenciements… mais vécus sans souffrance, à la bonne franquette, avec explications franche du patron sur pourquoi il vous licencie, sans histoire de procédures chicanières à la française, donc sans traumatisme, et dans le public comme dans le privé, puisqu’on en retrouve aussitôt du travail fluide. Quel paradis ! Eh bien, c’est ça que Mme Ségolène (et l’on nous précise qu’il ne faut pas confondre Blair et Thatcher), nous donnera si nous votons pour elle.

A vrai dire, je doute qu’étudiants et lycéens français, avec ce mauvais esprit national archaïque qui fait pleurer l’Europe de chagrin, se laissent convaincre par nos Eurocrates libéraux de l’excellence de la belle liberté aventureuse du travail aléatoire, avec absence de garanties, qui est pourtant la source du courage et de l’énergie.

      La leçon principale de la belle victoire de ce printemps, comme de celle de l’an dernier, contre nos juges et magisters donneurs de leçons, c’est qu’il faut continuer. Continuer à leur rire au nez et, puisque nos coups ne leur laissent que des bleus, étudier les moyens de leur en donner d’autres jusqu’à ce qu’ils soient groggy. Les occasions ne vont pas manquer. Et l’échéance se rapproche de ces élections qui peuvent changer la donne si notre front antilibéral ne s’effrite pas.

      Par ailleurs, l’écho de la lutte française a retenti jusqu’en Russie, où les étudiants, nous dit-on, s’interrogent sur la possibilité d’en faire autant. Sans qu’on nous le dise, cela fait certainement réfléchir dans toute notre Europe. Quant à la leur, celle des (contre)réformes, du progrès en marche arrière, de la richesse (en haut) par la précarité (en bas), nous n’aurons pas de cesse de la foutre par terre.

      Et puisque nous en parlons de leur Europe…


Participation de l’Europe libérale
au génocide des palestiniens

      Jusqu’aux élections palestiniennes, l’Eurocratie ne pouvait guère accorder un soutien sans réserve, comme les Etats-Unis, à la politique génocidaire d’Israël. Elle agissait hypocritement par demi-mesures. Mais quel pain béni que ces élections qui ont porté démocratiquement au pouvoir ce Hamas, que M. Bush a mis de toute son infaillible autorité sur sa liste des «  organisations terroristes ». Nos Eurocrates peuvent se lâcher, ce qui en plus les rapapillotent avec le Big Brother. Pas un sou à ce Hamas ! Et que les Palestiniens en crèvent… Ils n’en ont rien à foutre nos eurocrates !

      Mais… mais, disent-ils, ils n’ont qu’à reconnaître Israël, et renoncer au terrorisme, et on leur en crachera un peu, de la thune ! Oui…bien sûr, ils doivent reconnaître l’Etat qui occupe leur territoire, qui y vient tuer leurs dirigeants et détruire leurs habitations, bombarde le territoire de Gaza… On sait que tout cela n’est pas du terrorisme, puisque c’est fait par une armée aussi régulière que celle de M. Bush qui, au nom de Dieu et du Pétrole, met à feu et à sang les reste du Proche et du Moyen Orient, et dont on nous annonce qu’elle va jeter une jolie bombe nucléaire miniaturisée sur les installations atomiques d’Iran.

      Et à ce propos : une telle mesure d’ingérence pacifique en dispensera, le bon M. Ehoud Olmert, digne successeur du demi-défunt Sharogne, et dont c’était le projet explicite

      Celui-ci est digne de tous les éloges de nos Eurocrates ; Ne va-t-il pas poursuivre l’œuvre pacifique de son prédécesseur et supprimer quelques colonies en Cisjordanie ! Mais bien entendu pour en développer massivement d’autres, enveloppant complètement Jérusalem.

      Nos problèmes locaux nous ont un peu trop fait détourner les yeux du martyr du peuple palestinien. Nous ne pouvons laisser tranquillement nos Eurocrates, qui agissent en notre nom, participer à ce qui est sans doute actuellement la plus ignoble entreprise de barbarie.

      Pour sa part,
mon ami Jean Baumgarten a écrit la lettre suivante à son ancien condisciple Jacques Chirac.

Cher condisciple,
Je t'avais adressé une lettre en avril 2.004 pour te demander de renoncer d'accueillir Ariel Sharon à l'Elysée; tu as dû recevoir en même temps sur le même sujet 10.000 lettres environ, et j'avais été heureux de voir que cette demande avait été satisfaite...
Si je t'écris aujourd'hui c'est toujours sur la question palestinienne : tu dois participer (ou faire participer l'un de tes ministres) à une réunion du Conseil des Ministres de l'Union Européenne qui se tient lundi prochain et au cours de laquelle on doit discuter de l'arrêt des subventions européennes au gouvernement de la Palestine (toujours hélas sous occupation israélienne): si le Conseil des ministres adopte une telle attitude ce serait criminel pour le peuple palestinien et pour la paix dans le conflit israélo-palestinien (qui dure depuis 58 ans!)
Le peuple palestinien s'est prononcé d'une manière ultra-démocratique en majorité pour le Hamas et contre le Fatah atteint en partie par la corruption .
Si l'Europe s'aligne sur les Etats-Unis, nous serons très nombreux à nous en souvenir !
Accepte, cher Condisciple, mes salutations attristées.

Jean Baumgarten

Elève à Sciences PO Paris 1952-1955
( en même temps que toi et Bernadette.)
Auteur du livre:
"En finir avec le Sionisme" .
Disponible à la librairie
La Brèche - 27 rue Taine
Paris 12ème


Le Journal intempestif est heureux
de vous rappeler la parution de


LE TROTSKISME
UNE HISTOIRE SANS FARD

De son rédacteur
Michel Lequenne
Editions Syllepse - 24 Euros