31 mars 2007

LE PIÈGE DE LA PRÉSIDENTIELLE

    L'élection d'un Président de la République au suffrage universel ne peut que fournir un "bonaparte". Le premier qui fut élu ainsi en fut d'ailleurs un vrai, Louis napoléon qui, deux ans plus tard se fit empereur.
Sans dessein de se faire sacrer (il l'était déjà implicitement par son mythe), ce fut pour être un "bonaparte" que De Gaule réinventa le système, qui marcha selon ses vœux jusqu'à… 1968 ! Ensuite, il allait se révéler insuffisant à assurer le pouvoir à la droite, comme cela se manifesta par l'élection de Mitterrand. Mais celui-ci, escroc de la gauche, se "bonapartisa", alors qu'il avait promis de supprimer le système d'une Ve République, née — il faut sans cesse le rappeler —, du coup d'État des généraux d'Alger imposant De Gaule à une IVe décomposée, dont TOUS LES PARTIS (y compris le "communiste") avaient accepté le colonialisme et les guerres contre les révolutions nationales. La trahison mitterrandienne nous amena Chirac !
    L'élection présidentielle avait lieu après les législatives. Cela donnait une chance à une majorité de gauche d'influer la présidentielle en sa faveur. Mais un gros malin, nommé Jospin, jugea plus sûr d'inverser l'ordre électoral pour être élu triomphalement. C'était consolider la fonction bonapartiste de la présidence. Loin que cette décision réactionnaire fasse éclater le gouvernement de la "gauche plurielle" social libérale, on vit le PCF se faire tout petit, votant un "contre" qu'il savait impuissant (l'essentiel de la droite votant "pour"), et sa ministre (des Sports !) Marie-George Buffet, prudemment absente du vote pour éviter la crise. L'élection présidentielle devenait un piège absolu. Le fruit en fut 2002 !

La leçon allait-elle en être tirée ?

Dès le lendemain de notre victoire du Non au référendum de la Constitution européenne du Capital, nous étions de ceux qui mettaient en garde contre le piège (en particulier, entre notre nom personnel, à l'égard de la LCR). Sans une candidature unique de la gauche anti-libérale à la présidentielle, notre unité risquait de s'effondrer, car une divison/opposition pour un tel scrutin ne pouvait que se répercuter lors des élections législatives.

    Le pire est arrivé par la myopie des appareils politiques. La raison de cette commune grave faute — quasi-crime — n'est pas absolument la même en ce qui concerne le PCF et la LCR, bien que la responsabilité dans le résultat soit la même. Pour le PCF, qui n'a pas réussi à totalement se déstaliniser, et qui, combinant les pratiques du mini-réformisme avec un langage vieille gauche, survit par son électoralisme ras-des-trottoirs, s'est efforcé de sauver son unité en clamant son anti-libéralisme retrouvé tout en gardant une petite porte ouverte pour un compromis pourri avec le PS. Pour la LCR, il s'agit d'un illusionnisme révolutionnaire provoquant une rechute dans le gauchisme sans horizon, par un mélange d'incultures de vieux sectaires et de jeunes ultra-gauches qui la conduit au choix de la politique du pire, dans l'oubli des principaux enseignements de Trotsky lui-même, en particulier du principe de "programme de transition" et du front de classe face aux grands périls.

    À cela sont venues s'ajouter des magouilles groupusculaires et politiciennes.

    En dépit de ce gâchis, le profond mouvement populaire né de la compagne du Non manifeste sa vitalité et sa santé politique en ses collectifs et comités. Malgré le trouble apporté en son sein par les organisations politiques qui ont tenté de le manipuler, sa majorité s'est ralliée à la candidature vraiment unitaire de José Bové, seule garante de son devenir, comme aile française de l'altermondialisme européen.

    Certes, le désordre de la gauche anti-libérale la prive du rôle moteur qu'elle aurait pu jouer dans cette élection, ne serait-ce que comme pression sur le social-libéralisme, et surtout met en péril sa constitution en base d'une puissante véritable opposition de gauche au libéralisme.

    On ne peut cacher que le piège de la "présidentielle" risque de nous jouer les plus mauvais tours. Au régime policier que nous promet Sarkozy, semant la confusion par son langage mêlant, selon la méthode fasciste, le gauchisme et le "lepenisme", le "pro-yankisme" et le chauvinisme d'extrême droite, on lui voit s'opposer, sur le terrain du social-libéralisme disputé au PS, le vieux centrisme bourgeois chrétien, tandis que Le Pen continue à influencer certains des plus déshérités avec l'efficace : "tous pareils, tous pourris" !

    Une Ségolène, partie avec la référence à Blair, et revenant flotter (comme son petit drapeau tricolore), selon les jours, un petit coup à gauche, un petit coup à droite, selon les sondages sur les événements quotidiens, réussira-t-elle à être au second tour au nom du "vote utile" ? Celui-ci fait partie du piège.

Faut-il tomber dedans pour éviter Sarkozy ? Non !

    C'est au PS seul qu'il appartient de faire le redressement nécessaire pour être au second tour. Et notre rôle, à nous, c'est de rassembler les forces dispersées, troublées, hésitantes, de la gauche radicale, de tous ceux qui sont menacés dans leur liberté et leur vie, et qui pourront assurer par leur vote clair au candidat de l'unité, José Bové, à la fois l'échec du pire, quel que soit le résultat hasardeux du piège, et les lendemains de luttes pour en finir avec ce régime du profit et de la misère, de la guerre contre les peuples et de la destruction de la planète.

Michel Lequenne



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