24 avril 2007

Le premier étage
du piège
de l’élection présidentielle bonapartiste
est bien parti

Comme nous l’annoncions dans notre numéro du 10 avril (consultable dans la colonne de gauche), le premier tour de cette élection, piège en elle-même, rendu plus efficace par sa mise avant les législatives qui accentue la personnalisation, et celle-ci servie à l’américaine par la monopolisation des merdias, soumise au pouvoir et aux puissances de l’argent, a donné le résultat que l’on pouvait attendre. Et d’autant plus que la cruelle déconvenue du 22 avril 2002 a favorisé le vote « utile » à gauche.

Nous avons donc pour le second tour… le candidat et la candidate, désignés depuis un an !

Mais il est vrai avec trois distorsions complémentaires qui rendent le résultat final incertain.

La première est qu’avec Sarkozy on sort de ce qui restait des débris du gaullisme avec Chirac par réapparition de la vieille droite française chauvine, raciste, paternaliste et féroce à la fois (celle de Pétain et des collabos), repoussant ainsi Le Pen et de Villiers dans leur archaïsme et leur marginalité, d’ailleurs bien utiles, selon les situations, comme alibis, faire-valoir ou force complémentaires. Difficile de savoir ce que l’électorat de ces derniers votera au second tour.

La deuxième distorsion a tenu à la réapparition d’un parti petit-bourgeois chrétien (tel le MRP de jadis). Il a été suscité par la peur qu’a la petite-bourgeoisie d’une droite dure au service du grand capital qui, à l’échelle de l’Europe et du monde, écrase le petit sans pitié dans sa soif inextinguible de profits toujours plus gros. Cette UDF de Bayrou oscille entre le libéralisme dur et le social-libéralisme, son sommet sans doute plus à droite que sa base. Toutefois, son intérêt politique la pousserait plutôt vers un PS, dont la droite des Rocard-Kouchner ne se différencie en rien d’elle-même, parlant même hier, « trop tôt », d’alliance nécessaire, et dont elle pourrait attendre des ministères d’union, plus que d’un Sarkozy dont on connaît le caractère. Là encore, incertitude quant à la clairvoyance politique de la base électorale de cette orangeade et à l’orientation que peuvent lui donner Bayrou et son entourage peu homogène.

La troisième et dernière distorsion est, hélas ! celle de notre propre camp. Les cris de victoire de Besancenot s’élèvent sur un champ de bataille couvert de débris. L’unité brisée par le PCF et la LCR, puis par les groupuscules et certaines « personnalités » de la Coordination nationale des collectifs a donné les fruits verts que l’on pouvait attendre. Le PCF paie cher sa trahison à la stalinienne. On peut même parier que cela signe sa mort historique. La LCR a recueilli l’héritage de LO, le programme avec la vedette, qui aurait mieux fait de s’éviter ce décès politique. Besancenot n’a plus qu’à se représenter encore quatre fois, et il aura atteint l’âge actuel de Krivine et égalé le score d’Arlette. Mais, en attendant, ne doutons pas que ses 4,5 % ne lui montent à la tête, ainsi qu’à ses mentors. Ils n’avaient même pas attendu l’élection pour annoncer leur refus de faire des listes communes aux législatives avec les comités Bové ! Le dépassement possible, ouvert par la victoire du Non au référendum contre la Constitution libérale européenne, n’est plus l’affaire de ce petit parti, passé du trotskysme à l’ouvriérisme et au révolutionnarisme abstrait. Et Bové ? Parti trop tard, sans grands moyens ni journal, abandonné par la Coordination nationale des Collectifs, mal servi par un certain nombre de ralliés à lui, avec un matériel misérable (en particulier des affiches sans contenu politique), objet d’une conspiration remarquable des merdias (qui privilégiaient Buffet, Arlette et Besancenot, jugés moins dangereux), ses bons meetings et le magnifique effort de ses comités ne pouvaient faire le poids. Les naufrageurs ont réussi à lui faire échec.

Pour l’instant, cet échec du mouvement unitaire antilibéral altermondialiste est privé de ce qu’un résultat à deux chiffres ­— qui aurait été possible —, lui aurait donné à la fois pour obtenir des députés et comme force de pression sur un gouvernement social libéral. Les collectifs et comités risquent de subir le choc de notre échec. Mais nous croyons que leur force de jeunesse et leur énergie profonde sauront se frayer les voies d’un nouveau cheminement, car c’est en eux seuls que reposent les forces de l’avenir.

Et maintenant, que faire ? Évidemment voter Ségolène pour éviter le désastre d’un Sarkosy dont on ne sait ce qu’on peut attendre, sauf le pire.

L’histoire est en usage de jouer des tours, ainsi, voyez :

 

Il y a un peu plus de mille cinq cents ans,

 Attila,

roi des Huns (Hongrois en français moderne),

ravageait ce qui est aujourd’hui nos banlieues,

et fut stoppé devant Paris, clef du pouvoir du pays,

 dont la population fut animée par une femme :

 Geneviève,

candidate à la sainteté.

Aujourd’hui,

Attila Sarkozy,

descendant du précédent,

grand ravageur au karcher des mêmes banlieues,

doit être arrêté dans la conquête de la France

 par la future sainte

 Genégolène la royale !

 



Le Journal intempestif est heureux
de vous rappeler la parution de


LE TROTSKISME
UNE HISTOIRE SANS FARD

De son rédacteur
Michel Lequenne
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