26 avril 2007

Remarques sur les paradoxes
d'une élection


Nos merdias se sont fort réjouis de la masse électorale du premier tour de cette "présidentielle" et y ont vu un grand progrès de la démocratie. Mais si on l'analyse en termes de conscience, les choses ne sont pas aussi enthousiasmantes.

Tout par de l'effet 2002 ! Alors la grande majorité du monde du travail, dégoûtée de tous les partis et tendances, et en particulier d'une gauche plurielle qui avait fait une politique de centre droit, l'abstention avait été massive. Mais l'effet ayant été le choix entre la droite et l'extrême droite, il avait fallu, l'amertume aux lèvres, aller voter Chirac par peur du fascisme. Ladite grande masse s'était dit qu'on ne l'y reprendrait pas, tout en votant moindre mal pendant cinq ans… sans résultats, car la majorité parlementaire absolue de la droite a fonctionné sans freins ni scrupules.

Elle a pourtant connu deux échecs : celui du "Non !" à la Constitution européenne, et celui du contrat de précarité de la jeunesse. C'étaient là de belles manifestations de renouveau d'une conscience d'opposition au système du capitalisme dit libéral. Et d'espoir ! Nos lecteurs savent comment Les appareils du PCF et de la LCR, plus nombre de magouilleurs politiques ont trahi le grand mouvement unitaire antilibéral et l'ont entraîné dans le marais. Et dans le même temps, le PS, comme un seul homme, se tendait vers le centre, où l'UDF lui a encombré la route.

Toutes ces opérations politiciennes ont embrouillé les consciences. Le magma de ce que la sociologie officielle appelle les "classes moyennes" a voté de 22 à 28 % pour Bayrou (dont le futur Parti démocrate, version US, a de l'avenir), mais aussi de 15 à 21 % de toutes les autres catégories, montrant ainsi combien la majorité du monde du travail reste peu confiante en le PS.

Mais le drame reste celui du monde ouvrier. La faillite du stalinisme, d'autant plus perçu comme celle du communisme que l'amalgame fait par l'idéologie bourgeoise n'est pas combattu par un PCF qui n'a jamais voulu se totalement déstaliniser, a conduit l'opposition ouvrière à 26 % dans l'électorat de Le Pen.

Il y a ainsi un hiatus entre conscience sociale et conscience politique (celui qu'en termes marxistes on comprend comme celui de la "classe en soi" et de la "classe pour soi"). D'où, en l'absence d'un net "front de classe", le réflexe du vote "moindre mal". Dernier espoir, qu'il joue encore à plein au deuxième tour de la part des travailleurs (ouvriers, employés, intellectuels, techniciens et retraités) qui ont égaré leurs voix au premier tour sur Bayrou et… Le Pen.

Des remarques d'un autre ordre sont nécessaires à propos de la candidature de José Bové, prouvant à quel point il aurait été le parfait candidat unitaire. D'une part, en de nombreux endroits il devance Marie-George Buffet, et presque partout Arlette Laguillier. En Outremer, où il n'a d'ailleurs pas pu faire campagne, c'est encore plus saisissant, puisqu'en Martinique, ou LO comme IVe Internationale ont une implantation, il devance même Besancenot à Fort-de-France, à Rivière Pilote et au Lamantin et est en troisième position à Schoelcher. Quant à la Nouvelle-Calédonie, il y est en quatrième position, derrière Sarkozy, Royal et Bayrou. Certes, c'est là que son prestige d'altermondialiste a joué ; celui qu'ont trouvé souvent négligé un certain nombre de ses supporters. Mais en France, on peut remarquer aussi que, d'une part, il devance souvent Marie-George Buffet, mais que là où il y a eu assez de forces pour bien mener sa campagne, cela a payé.


Nouvelles du monde :

Palestine

  Je rentre de Palestine, avec un tel sentiment d'impuissance devant la souffrance, l'humiliation, la pauvreté, sans parler de la cruauté, que le gouvernement israélien impose par la force à tout le peuple palestinien ! Peut-être sentiment d'impuissance, mais par contre une volonté farouche de lutter avec nos sœurs et nos frères palestiniens.  Beaucoup mieux que lors d'autres voyages, j'ai partagé leur vie quotidienne, mangé, dormi dans leur maison. Même si parfois il y avait des difficultés avec nos langues différentes,  nous nous parlions avec notre hôtesse  Soraya en espagnol et en italien. Imad son mari par contre parlait anglais.

 Les Israéliens continuent à annexer Jérusalem- Est, et prennent tout ce qu'ils peuvent dans la vieille ville.  Plus que jamais j'ai aimé cette vieille ville que j'ai trouvée tellement changée par rapport à mon premier voyage. Les Israéliens n'assument absolument pas tout ce qui leur revient des charges municipales, on sent la volonté délibérée de faire partir les Palestiniens afin de récupérer toute la ville.

 J'étais sous le charme de cette ville qui a fait partie de mon éducation, je l'ai parcourue avec émotion  elle est tellement chargée d'histoire, de  symboles, de souffrance. Les travaux du tramway, sont bien avancés, et on voit nettement comment son tracé ampute Jerusalmem-Est, et tout comme le reste, en toute impunité.

 Je me suis beaucoup promenée dans la vieille ville, mais partout il y a l'armée, souveraine, fusil en avant, qui peut vous interdire d'aller là ou là, c'est-à-dire que les Palestiniens sont continuellement soumis au bon vouloir des soldats.

 Je ne suis pas allée volontairement à Jérusalem Ouest, seulement au local de l'AIC où nous avons rencontré Michel Warschawski qui après une communication passionnante et riche d'informations nous a fait faire en autobus le tour des murs qui enserrent la ville. […]  C'est une vision apocalyptique, je ne sais comment vous décrire ces kilomètres de mur, ces kilomètres d'enfermement, parfois je me demandais si ça pouvait être vrai, une prison sans fin à ciel ouvert. Des miradors, des barbelés avec de fines lames coupantes, des murs de béton infranchissables, les portes n'étant ouvertes que si les soldats le veulent bien, des routes exclusivement réservées à l'armée ! Folie, perversité, cruauté, le tout réuni pour écraser un peuple et le priver de liberté.

 Je vous décrirai les check point qui sont semblables à des entrées de camps, avec leurs miradors, des couloirs qui n'en finissent pas, des tourniquets très étroits où on peut rester coincé si on est passé au feu rouge(sic) et non au vert, et cette voix qui "gueule" des ordres, voix sortie de nulle part car on ne voit personne ! […]

 J'ai eu du mal à ne pas crier ma colère devant tant d'humiliation. Et puis des colonies partout, sur toutes les collines autour de Jérusalem, le but étant d'annexer toutes les terres jusqu'à la mer. On ferait bien de se soucier du non-respect de l'écologie en Israël Jamais on n'en parle... Hébron avec sa colonie au milieu de la ville...   Ramallah où nous avons été reçus au conseil législatif palestinien par des élus, toutes tendances confondues, hommes et femmes à égalité, à la Moqata, nous avons été reçus par le représentant de Mahmoud Abbas avec lequel j'ai longuement parlé en attendant le reste du groupe, et aussi des "Femmes en Noir". Partout où nous sommes allées il a été fait mention des"Femmes en Noir". […]

 Je vous parlerai de la manifestation non violente des habitants de Bil'in, réprimée avec une violence qu'on a du mal à croire si on ne la subit pas. Tout y passe : canons à eau, gaz lacrymogène hyper corrosif et dangereux pour les yeux et les voies respiratoires, balles en caoutchouc de différentes tailles qui peuvent vous blesser gravement suivant l'impact ( un Palestinien tétraplégique […],et vendredi, Halima Boumédienne blessée au bras et à la jambe), grenades de toutes sortes, manifestants battus avec très grandes matraques etc. Tout est bon pour s'attaquer aux manifestants non violents qui se présentent à eux les mains vides.

 J'ai été épouvantée par le comportement des soldats, hommes très jeunes faisant leur service militaire, qui traite les gens comme si nous n'étions pas des humains.

 

 Malgré toutes leurs souffrances et leur pauvreté les habitants de Bil'in nous ont reçus avec une telle générosité, une telle chaleur, une telle délicatesse ! Mais je n'oublierai pas les larmes dans les yeux de Soraya, notre hôtesse, le visage déterminé, mais les yeux infiniment tristes d'Imad son mari( qui inlassablement, tous les jours, met sa vie en danger pour filmer les incursions et les exactions des soldats) quand nous les avons quittés.

Il y aurait tant et tant à dire, je vous livre ces quelques lignes simplement, ce n'est pas une analyse politique. Je pars jusqu'au mois de juin, à mon retour j'espère vous retrouver pour Micheline Morisi

mmorisi@libertysurf.fr



Le Journal intempestif est heureux
de vous rappeler la parution de


LE TROTSKISME
UNE HISTOIRE SANS FARD

De son rédacteur
Michel Lequenne
Editions Syllepse - 24 Euros